Bolloré en Afrique : il n’est pas fini, le temps des colonies26/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2456.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bolloré en Afrique : il n’est pas fini, le temps des colonies

Le groupe Bolloré se lance dans la construction d’une ligne de chemin de fer reliant la Côte d’Ivoire au Togo, en passant par le Burkina Faso, le Niger et le Bénin, et s’étirant sur plus de 2 700 km. Il a déjà signé à la mi-août, via sa filiale Bolloré Africa Logistics (BAL), un accord avec le Niger et le Bénin, portant sur un tronçon de 1 065 kilomètres reliant Cotonou à Niamey.

Dans le cadre des conventions de concession, de construction et d’exploitation signées, Bolloré va financer les travaux de construction et de réhabilitation des tronçons construits à l’époque coloniale. Le montant des investissements s’élèverait à 1 milliard d’euros, soit 1 million du kilomètre. Vincent Bolloré prétend que tout cela sera financé sur les fonds propres du groupe. Mais les activités africaines de Bolloré ont souvent bénéficié de programmes d’aide publique pour le développement d’infrastructures. De toute façon, ce projet promet de rapporter beaucoup d’argent à Bolloré, dont la fortune s’élève déjà à 11 milliards d’euros, soit plus que le PIB annuel du Bénin, estimé à moins de 8 milliards d’euros. La future ligne qui relie le Niger au Bénin sera gérée par Benirail, une société créée fin mai, dont les actionnaires sont le Bénin, le Niger et Bolloré. Mais, si les États béninois et nigérien sont actionnaires chacun à 10 %, le groupe du milliardaire français le sera à 80 % si aucun autre investisseur privé ne se présente, et à 40 % dans le pire des cas, si l’on peut dire. Le rapport de force entre Bolloré, seul, et l’État du Bénin tout entier, indique assez qui exploite qui.

Bolloré a acquis depuis près de cinquante ans une situation de monopole dans un certain nombre de secteurs, en particulier dans la partie du continent qui faisait partie auparavant de l’empire colonial français. Le groupe français, présent dans 46 pays africains, possède les infrastructures de quinze ports, dont celui d’Abidjan, des équipements de logistique, des entrepôts, des plantations de palmiers à huile et d’hévéas, et des usines de transformation. Il transporte entre 20 et 30 % des exportations de cacao, de café, d’huile de palme, de coton du continent.

Bolloré défend son projet de ligne de chemin de fer en expliquant qu’il s’agit là d’aider au développement de l’Afrique. Le transport de marchandises et de minerais réalisé grâce à la construction de la ligne ferroviaire Cotonou-Abidjan devrait représenter 90 % du chiffre d’affaires. Le transport de voyageurs ne concernera qu’une part réduite de l’activité de la ligne de chemin de fer, alors que la population de la région devrait dépasser les 300 millions en 2020. Un tel projet représente certes un progrès technique, qui pourrait constituer un progrès tout court pour les populations. Mais comme toujours dans cette société capitaliste, il se traduira surtout par l’exploitation des travailleurs, à commencer par ceux employés à la construction du chemin de fer, et par le renforcement de l’emprise d’une multinationale sur les pays concernés.

« Cette région est riche en minerai, en coton, en hydrocarbures, et le transport de marchandises et de minerai, qui est celui qui rapporte le plus d’argent, est donc intéressant », déclarait il y a peu Michel Roussin, conseiller du PDG du groupe, exprimant on ne peut plus clairement les vraies motivations de Bolloré, loin de ses discours sur l’aide à l’Afrique.

Ce conseiller fut également directeur de cabinet du patron de la DGSE (services secrets français), directeur de cabinet de Jacques Chirac, ministre de la Coopération du gouvernement Balladur et président du Medef Afrique : une illustration de ces liens entre État français et grands patrons, qui permettent à Bolloré de réaliser de si bonnes affaires.

Grâce au soutien des gouvernements français successifs et aux relations étroites qu’ils entretiennent avec les dirigeants africains, Bolloré peut continuer à s’enrichir par le pillage des richesses de ce continent… mieux encore qu’au temps des colonies.

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