Haïti, il y a cent ans : Un pays mis en coupe réglée05/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2453.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti, il y a cent ans : Un pays mis en coupe réglée

C’est un soulèvement de la population de Port-au-Prince qui servit de prétexte à l’intervention militaire en Haïti, le 28 juillet 1915. À la suite du massacre de prisonniers politiques, le président, Vilbrun Guillaume Sam, et le directeur de la prison avaient été lynchés. Mais depuis plusieurs années, le gouvernement américain attendait un tel prétexte pour disputer le contrôle – et le pillage – d’Haïti aux impérialistes européens, surtout français et allemands.

L’armée d’occupation mit en place un conseiller financier américain qui devrait décider du budget du gouvernement et dicter sa politique économique... Les occupants empêchèrent l’élection à la présidence de la République du nationaliste Bobo qui avait la faveur de la population mais affichait ses positions antiaméricaines, et imposèrent celle de Dartiguenave qui leur était favorable. Celui-ci signa le 16 septembre 1915, pour dix ans renouvelables, la convention légalisant l’occupation.

Un article de la Constitution haïtienne excluait les étrangers de la propriété foncière ou immobilière, ce qui les éloignait de la production en grand du sucre, du café, du coton et du tabac et de l’exploitation du bois du pays. En 1918, une nouvelle Constitution rédigée par l’occupant américain leva cette interdiction. Des compagnies agricoles américaines obtinrent 28 000 hectares de concessions, au prix de la spoliation de nombreux petits propriétaires. Enfin l’armée haïtienne, licenciée, fut remplacée par une gendarmerie placée sous commandement américain.

Une résistance armée à l’occupation se développa à partir des « Cacos », bandes de paysans armés de vieux fusils et de machettes. Deux décisions des autorités d’occupation mirent le feu aux poudres : le désarmement de la population et, le 1er août 1916, la remise en vigueur de la corvée, système de travail obligatoire auquel les paysans étaient soumis pour construire les routes. La révolte se transforma en insurrection, comptant jusqu’à 5 000 combattants permanents et environ 15 000 membres occasionnels.

En réponse, l’armée américaine fit appel à des renforts et porta ses effectifs à près de 2 000 hommes. Elle fut tenue en échec jusqu’en 1921, date de la fin des combats, malgré ses moyens de guerre moderne. Un système de passeport intérieur fut instauré et les paysans regroupés dans des camps d’internement. Il y eut au total 13 000 victimes du côté haïtien.

Les troupes américaines firent ainsi place nette pour le pillage du pays. Les fonds de la banque nationale furent transférés à la National City Bank de New York et Haïti dut souscrire un emprunt de 40 millions de dollars auprès de banques américaines.

En octobre-novembre 1929, une grève et des manifestations d’étudiants contre l’occupation américaine furent encore violemment réprimées. La loi martiale fut proclamée. Des renforts de marines débarquèrent et firent plusieurs dizaines de morts. Les autorités américaines décidèrent alors d’évacuer l’île. En octobre 1931, elles commencèrent à transmettre leurs pouvoirs aux politiciens haïtiens. Mais il fallut attendre le 21 août 1934 pour que les derniers soldats nord-américains quittent l’île.

Partager