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- Lutte ouvrière n°2446
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Editorial
À bas l’Europe forteresse ! : Vive l’union des travailleurs !
Expulsions violentes de campements à Paris ; brutalités des forces de l’ordre à Calais ; opération musclée de la police italienne à Vintimille et barrage de la police française contre des migrants qui veulent passer en France : les quelques dizaines de milliers de femmes et d’hommes qui ont, au péril de leur vie, réussi à poser le pied en Europe sont traqués, harcelés et frappés sous nos yeux. Et le ministre de l’Intérieur nous parle d’humanité !
Arrêtés dans les trains ou dans les camions où ils se glissent, expulsés des places où ils dorment pour « occupation illégale de l’espace public », les migrants ne peuvent ni circuler ni stationner.
C’est inhumain et absurde. Ces femmes et ces hommes ne se dissoudront pas dans l’air et rien ne les arrêtera, parce qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’avancer.
La condition des migrants est l’illustration de l’expression de Karl Marx « Les prolétaires n’ont pas de patrie ». Car quelle est la patrie pour les Irakiens qui ont fui Mossoul à l’arrivée de Daech ? Quelle est la patrie pour les Syriens pris entre la barbarie d’Assad et celle des milices islamistes ? Ou pour les Érythréens qui risquent le bagne à perpétuité ?
Ces femmes et ces hommes ne peuvent plus vivre chez eux, mais partout en Europe, ils sont rejetés comme des indésirables.
Jamais l’Europe n’aura autant mérité le surnom de forteresse. Non contents de multiplier murs et barbelés aux limites de l’espace Schengen, les gouvernements européens rétablissent les frontières en son sein. Au prétexte que la convention de Dublin prévoit que les demandeurs d’asile déposent leur demande dans le pays d’entrée en Europe, la France et l’Autriche, par exemple, ont fermé leurs frontières pour bloquer les migrants en Italie.
Les dirigeants européens se gargarisent en parlant de coopération et de solidarité. Ils reconnaissent en paroles la nécessité d’accueillir les réfugiés, mais c’est à l’Italie et à la Grèce de se débrouiller pour gérer l’urgence de la situation. L’enfer dans lequel ils condamnent les migrants à Calais ne leur suffit pas, ils sont en train de recréer la même chose à Vintimille, à Rome, en Grèce !
Dans ce jeu ignoble où l’on se rejette les migrants comme on se repasse une patate chaude, le gouvernement français remporte la palme du cynisme. Pour coller à la démagogie anti-immigrés de la droite et du FN, le gouvernement de Hollande transforme les réfugiés en parias et, de fait, leur dénie le droit de demander l’asile et de circuler librement. Les migrants ne demandent pas la lune, beaucoup ne veulent même pas rester en France. Mais le gouvernement leur refuse les hébergements d’urgence qui leur permettraient de reprendre des forces et de repartir.
Il justifie sa politique restrictive et répressive au prétexte que « cela créerait un appel d’air » et que « l’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Cette rengaine ne doit plus masquer ce qui est un crime : celui de non-assistance à personne en danger.
« On n’a pas les moyens d’accueillir de nouveaux immigrés », nous dit-on, mais on trouve de quoi entretenir chaque année de nouveaux millionnaires et satisfaire leurs caprices ! « On n’a pas les moyens d’accueillir de nouveaux immigrés », nous disent encore ceux qui sont prêts à mettre des milliards sur la table pour les Jeux olympiques !
Tous ces politiciens se moquent de la misère. Ils se moquent de celle des migrants comme de celle, ici en France, des classes populaires et ils ne bougeront pas le petit doigt pour soulager leur souffrance. Alors, laissons ces fausses évidences aux défenseurs des inégalités, de l’exploitation et de l’injustice !
Il faut combattre les vrais fauteurs de chômage et de misère que sont les capitalistes. Contre eux, les migrants sont nos sœurs et frères de classe. C’est pourquoi refuser les expulsions et demander la régularisation des sans-papiers qui veulent rester ici doivent faire partie des revendications du monde ouvrier.
Il en va de même de la revendication de la libre circulation pour tous. L’Europe capitaliste garantit celle des marchandises et des capitaux, mais elle multiplie les obstacles pour empêcher la circulation des travailleurs.
Pour les riches étrangers, fussent-ils des requins de la finance, les portes sont grandes ouvertes, pour des travailleurs qui ne demandent qu’à être utiles à la société, elles sont fermées. C’est bien là l’image d’une société pourrissante !
Le capitalisme brasse les travailleurs du monde entier, le monde ouvrier peut en faire une force à condition d’être conscient d’appartenir à une classe ouvrière internationale qui a à révolutionner la société de fond en comble.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 15 juin 2015