Grande-Bretagne : Cameron reconduit sans gloire12/05/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/05/2441.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Cameron reconduit sans gloire

David Cameron est sorti vainqueur des élections du 7 mai, et en apparence il en sort même renforcé. Avec 36,9 % (+ 0,8 %) et 331 sièges (+ 24), il obtient la majorité absolue des 650 sièges du Parlement britannique. Cette fois, il n’aura donc pas à former de gouvernement de coalition.

De son côté, le Parti travailliste n’a pas réussi à mobiliser son électorat et ne progresse que dans les plus grandes agglomérations. Avec 30,4 % (+1,5 %) des voix et 232 sièges (-26), il n’a pas de quoi pavoiser. Et la démission peu glorieuse de son leader au lendemain du scrutin n’aidera sûrement pas à redorer son blason.

Tout cela s’inscrit dans le système du bipartisme britannique où la position des deux grands partis est un jeu de chaises musicales, réglé par le scrutin uninominal à un tour qui les favorise outrageusement. D’ailleurs, le parti libéral-démocrate, troisième larron du bipartisme que l’on ne sort de l’armoire qu’en cas de besoin, a fait les frais de ce système électoral. Discrédité par la caution qu’il a apportée à Cameron au pouvoir contre les sentiments d’une partie de son électorat, il s’est effondré, perdant les deux tiers de ses voix et 49 de ses 57 sièges.

La progression du SNP et de UKIP

En revanche, deux faits inhabituels auront marqué cette élection.

D’abord, il y a eu le raz-de-marée du Parti national écossais (SNP). Sa campagne alliait un nationalisme étriqué à un langage populiste visant à s’appuyer sur le mécontentement de l’électorat populaire face à l’austérité et sur son rejet des grands partis. Elle lui aura permis d’obtenir 50 % des suffrages en Écosse (+30 %) et de rafler 56 des 59 sièges (+50), ne laissant au Parti travailliste qu’un seul des 41 députés écossais qu’il avait.

Le deuxième fait marquant a été le score de 12,6 % (3,9 millions de voix) du parti anti-immigrés et anti-européen UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), même s’il n’a emporté qu’un seul siège du fait du système électoral. On peut se faire une idée, au moins partielle, de son électorat à partir des 125 circonscriptions où il obtient ses meilleurs scores. Sur le total, 79 sont des circonscriptions conservatrices provinciales, où une partie de l’électorat conservateur semble avoir voté UKIP. Mais les 49 autres sont des circonscriptions travaillistes touchées par la crise, où UKIP semble avoir capté les voix d’électeurs travaillistes des classes populaires. C’est le cas en particulier dans plusieurs circonscriptions ouvrières de l’est de Londres.

Quelles perspectives ?

Ces scores traduisent une désorientation face à la crise dont la veulerie des appareils réformistes est tout aussi responsable que la démagogie xénophobe des grands partis. À force de n’offrir d’autre perspective à la classe ouvrière que celle de subir passivement les attaques du patronat, ou de cautionner la politique anti-ouvrière du Parti travailliste, les directions syndicales ont préparé le terrain à des démagogues réactionnaires tels que ceux de UKIP, dont le fonds de commerce est de désigner des boucs émissaires, en l’occurrence les travailleurs immigrés. Et cela constitue un danger pour l’avenir.

Cela étant, malgré les manchettes triomphantes de la presse, la « victoire » de Cameron reste très relative. D’abord parce qu’avec une participation de 66,1 %, moins d’un quart des électeurs inscrits auront voté conservateur, ce que Cameron ne peut guère faire passer pour un mandat populaire. Ensuite parce qu’il se retrouve avec une majorité parlementaire de tout juste six voix, ce qui l’expose aux « révoltes » d’une aile droite dont les positions politiques sont proches de celles de UKIP. Et, sur ce plan, les voix de celui-ci risquent de peser dans la vie politique.

Il est vrai que Cameron a cherché à anticiper le problème avec son référendum sur l’appartenance à l’Union prévu pour 2017, coupant ainsi l’herbe sous le pied aux anti-européens. Mais déjà, quelques jours à peine après cette élection, toute une campagne de presse exige de Cameron qu’il se montre « intraitable » face aux « diktats de Bruxelles ». Cameron, lui, fera ce que lui disent les milieux d’affaires qui ne veulent pas d’une sortie de l’Union. En revanche, il cherchera sans doute à calmer son aile droite par des mesures réactionnaires contre les travailleurs et en particulier les immigrés.

Car toutes les factions de son parti s’accordent au moins sur le fait de faire payer à la population laborieuse les frais d’une crise qui, malgré les rodomontades officielles, n’en finit pas de se faire sentir. Et pour la classe ouvrière britannique, la grand-messe électorale terminée, c’est là le véritable combat qui doit continuer, celui pour la défense de ses intérêts face aux attaques du patronat et de ses politiciens – avec les seules armes efficaces dont elle dispose, celles de la lutte de classe.

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