Allemagne : grèves pour les salaires12/05/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/05/2441.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : grèves pour les salaires

Ces derniers mois, les mouvements de grève se multiplient en Allemagne, souvent pour des augmentations de salaire, touchant tour à tour différents secteurs. Il y a eu Amazon, puis la métallurgie, la banque postale et la fonction publique. Actuellement, des grèves remarquées mobilisent des milliers de travailleurs dans trois secteurs : les chemins de fer (Deutsche Bahn), la poste (Deutsche Post), sans oublier les travailleurs sociaux.

Ces grèves, impulsées ou au moins soutenues par un syndicat, ont en commun de déborder nettement, en durée, par le nombre de grévistes et dans une certaine mesure par leur imprévisibilité, les grèves d’avertissement classiques en Allemagne lors des négociations salariales.

Des cheminots et postiers…

Les cheminots, emmenés par le syndicat des conducteurs de locomotives GDL, ont été massivement en grève la première semaine de mai pour les salaires, pour des amplitudes de travail moins importantes, et contre un projet de loi visant à restreindre encore le droit de grève, déjà très encadré. Selon cette loi, un seul syndicat par entreprise serait considéré comme représentatif et ayant le droit de négocier avec le patronat, tandis que les autres syndicats, parfois plus combatifs comme justement le GDL, n’auraient tout simplement plus le droit d’appeler à la grève.

Cette loi, que le gouvernement de coalition (droite et sociaux-démocrates) s’apprête à imposer contre l’ensemble des salariés, viendrait à point nommé pour les dirigeants des chemins de fer, qui fulminent, impuissants et rageurs, à chaque nouvelle grève appelée par GDL. Certaines centrales syndicales approuvent la future loi, mues par le calcul à courte vue que cela écartera une concurrence parfois inconfortable. Pour l’instant, les cheminots n’ont rien obtenu mais, en s’opposant à une loi antigrève, ils luttent pour l’ensemble du monde du travail et, malgré la campagne menée contre eux, ils récoltent des marques de sympathie.

La poste, elle, a créé une filiale pour la distribution de colis, et veut transférer dans cette filiale tous ses salariés en CDD, qui seraient payés 20 % de moins qu’auparavant. Ils seraient en effet écartés des accords salariaux de la Deutsche Post, plus avantageux, pour être payés selon la convention collective du secteur logistique. La direction ne fait pas dans le détail, leur expliquant carrément que c’est cela ou la porte. Ce à quoi elle ne s’attendait sans doute pas, et qui fait la force du mouvement, c’est que plusieurs milliers de postiers en CDI, auxquels elle s’échine à faire croire qu’il n’y aura aucune conséquence pour eux, se sont mis en grève avec les CDD. Ils savent que, lorsqu’une attaque aussi massive passe contre une partie des ouvriers, les autres seront également touchés avant longtemps.

… aux travailleurs communaux

L’autre mouvement concerne des travailleurs communaux : ce sont environ 240 000 personnes dans le pays, essentiellement des femmes travaillant comme éducatrices, aides-maternelles, assistantes sociales etc., dans les structures de garde telles que les crèches, haltes-garderies et jardins d’enfants, les écoles, les foyers de jeunes mais aussi dans les ateliers pour travailleurs handicapés. Les communes sont souvent surendettées, mais ces travailleuses ne se laissent plus impressionner par le chantage et osent réclamer 10 % d’augmentation de salaire, tout de suite. Il faut dire que, même à temps plein, les salaires sont bas et la majorité sont à temps partiel, entre 20 et 30 heures hebdomadaires, et passent souvent d’un CDD à l’autre. Ces dernières années le gouvernement, pas avare de propos sur l’importance qu’il accorde à l’éducation, a créé de nombreuses places en crèche, mais sans créer de nouvelles structures ni embaucher le personnel nécessaire.

Depuis des mois, ces travailleurs ont déjà fait plusieurs journées de grève très suivies. Mais les municipalités n’ont pas cédé la moindre augmentation. La ministre de la Famille leur a fait un discours exprimant la grande estime dans laquelle elle les tient, ajoutant que leur revendication salariale est fondamentalement juste... mais pas réalisable maintenant. Cela semble leur avoir plutôt donné envie de continuer et d’amplifier leur mouvement : pour croire à l’estime de la ministre, mieux vaut la voir matérialisée sur un compte en banque ! Le mouvement est entré dans une nouvelle phase : plus de 75 % des syndiqués de Ver.di (services publics) se sont prononcés pour une grève illimitée, qui a débuté le 9 mai et durera au moins jusqu’au week-end de la Pentecôte.

Par-delà des situations différentes, les revendications des grévistes de ces secteurs ne sont pas que défensives, et elles concernent au fond tous les travailleurs. Après des mois de discours officiels sur la reprise économique et le faible niveau de chômage en Allemagne, ces mouvements expriment sans doute, chacun à leur manière, combien les travailleurs en ont assez de voir que la richesse ne leur profite jamais.

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