NTN-SNR (bassin d’Annecy) : holà, Monsieur le procureur !05/05/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/05/2440.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

NTN-SNR (bassin d’Annecy) : holà, Monsieur le procureur !

Comme la plupart des grandes entreprises, NTN-SNR Roulements (fabrication de roulements sur cinq sites du bassin d’Annecy, en Haute-Savoie) use et abuse depuis des années de l’emploi de travailleurs intérimaires en lieu et place de salariés en contrats à durée indéterminée.

Ces pratiques génératrices de précarité étaient dénoncées depuis des années par le syndicat CGT. Ainsi, en avril 2013, il dénonçait une proportion de 20 % à 30 % d’intérimaires dans les ateliers de production.

Dans la période de mi-2013, les cinq inspecteurs du travail chargés chacun d’un des cinq sites NTN-SNR mettaient en évidence, dans leurs contrôles, pas moins de 160 postes tenus par des intérimaires en lieu et place de travailleurs en CDI.

Par un courrier du 18 juillet 2013, l’inspecteur du travail chargé du site NTN-SNR d’Argonay mettait la direction en demeure de se conformer à la loi. L’attitude de la direction le conduisait à réintervenir, jusqu’à dresser un procès-verbal le 16 juillet 2014. Celui-ci, comme il se doit, a été transmis au parquet. Par un courrier du 13 décembre 2014 au syndicat CGT, le procureur affirmait qu’il n’envisageait pas de poursuites.

Bien que l’infraction soit caractérisée, celui-ci estimait que, « s’il importe en effet de faire respecter les dispositions du Code du travail relatives au cas d’espèce, à la lutte contre un recours abusif à cette forme de précarité que constitue le travail temporaire, il importe tout autant de tenir compte, dans une période de crise économique majeure, des contraintes fortes auxquelles les entreprises sont soumises, notamment sur les marchés fortement concurrentiels de la sous-traitance automobile et de l’aviation, sur lesquels intervient la société SNR. »

Cette réponse est particulièrement choquante. À se demander si ce procureur dépend du ministère de la Justice ou du ministère de l’Économie et des Finances, et s’il est chargé de faire respecter la loi ou d’anticiper la disparition du Code du travail.

Par ailleurs, il est de mauvaise foi d’évoquer « les marchés fortement concurrentiels de la sous-traitance automobile et de l’aviation, sur lesquels intervient la société SNR ». C’est oublier que NTN-SNR a été condamné à 201 millions d’euros d’amende par la Commission européenne de la concurrence, en mars 2014, justement pour entente illicite avec quatre autres géants de la fabrication de roulements.

Et où est « la crise économique majeure » pour NTN-SNR, qui a vu son chiffre d’affaires en constante progression depuis dix ans et qui, au titre des exercices 2006 à 2012, a pu verser 322 millions d’euros aux actionnaires ?

À noter aussi dans cette affaire la coïncidence de plusieurs dates et événements. Après le PV de l’inspecteur du travail de juillet 2014, il y a eu le 30 octobre l’annonce par le ministre de l’Économie, Macron, d’une task-force automobile pour « identifier les futurs champions français de la sous-traitance auto », avec en parallèle une enveloppe d’aide aux équipementiers de 230 millions.

Puis, le 13 décembre 2014, le procureur a classé sans suite le PV de l’inspecteur du travail. Le lendemain, Macron annonçait officiellement la composition de la task-force automobile.

Surprise, les deux seuls « industriels » de ce groupe sont liés à NTN-SNR ! II s’agit de Didier Sépulchre de Condé, ex-directeur général Europe et toujours haut dirigeant du groupe. Le second est Gérard Leclercq, ex-directeur des opérations du groupe Renault et, à ce titre, acteur principal de la vente de SNR au groupe japonais NTN en 2007.

Sous prétexte de « modernité », de « relance de l’économie et de la compétitivité », gouvernement et grand patronat s’entendent comme larrons en foire pour tenter de ramener plus d’un siècle en arrière les droits des travailleurs.

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