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Irak : ennemis d’hier, alliés du jour
Une offensive militaire est en cours sur la ville de Tikrit, menée par le gouvernement officiel irakien contre l’organisation État islamique. L’offensive devrait ensuite se poursuivre sur Mossoul, la seconde ville d’Irak, aux mains de ce groupe depuis l’été 2014.
Mais, même si l’issue militaire de cette bataille donne la victoire aux forces gouvernementales, les populations irakiennes ne seront pas pour autant libérées des milices qui leur imposent leur loi.
Lors de leur expansion militaire en Irak, les troupes de l’État islamique ont profité de l’écœurement des populations sunnites vis-à-vis du gouvernement central de Bagdad. Ce dernier, mis en place avec le soutien des États-Unis et s’appuyant presque exclusivement sur des partis chiites, a mené une politique méprisant les populations en général et les populations sunnites en particulier.
Pour tenter de reprendre du terrain face à l’État islamique, le gouvernement irakien a laissé depuis plusieurs mois se réactiver d’anciennes milices chiites : certaines sont associées aux partis qui se partagent actuellement le pouvoir, d’autres sont liées à des partis qui avaient refusé de collaborer avec l’armée des États-Unis. Ainsi, parmi les 30 000 hommes qui mènent l’offensive actuellement sur Tikrit, plus de 20 000 sont des membres de milices islamistes, dont certaines, très bien armées, liées au chef religieux chiite Moqtada Sadr, ont lutté les armes à la main contre le gouvernement actuel.
La puissance régionale locale, l’Iran, en profite aussi pour pousser ses pions. Elle a d’abord contribué à l’armement des milices qui lui sont le plus liées, et elle a envoyé plusieurs milliers de soldats, avec à leur tête le général Ghassem Soleimani, chef des troupes d’élite iraniennes Al-Qods, pour diriger l’opération militaire sur Tikrit.
Le fait qu’une partie de ces troupes soit profondément hostile aux États-Unis rend soucieux certains dirigeants américains, comme le général Petraeus, ancien chef de la CIA et superviseur des opérations militaires en Irak et en Afghanistan, qui a mis en garde contre le poids que prennent ces milices chiites, déclarant même : « L’État islamique n’est pas le plus grand danger qui menace l’Irak. » Mais, pour l’instant, les États-Unis font le choix de s’appuyer sur ces forces. Que ces milices se soient déjà rendues coupables d’exactions contre les populations sunnites et qu’elles soient tout aussi réactionnaires que celles de l’État islamique, cela ne les gêne pas.
On ne sait pas quelle sera l’issue des combats mais, si l’État islamique est vaincu, cela pourrait être pour laisser la place à tout aussi réactionnaire que lui. Mais il se pourrait aussi que les dirigeants impérialistes préfèrent que ni les uns ni les autres ne l’emportent, et que la guerre civile continue. Ils ont déjà agi dans ce sens en Syrie.
En Irak, comme dans tout le Moyen-Orient, le but des dirigeants impérialistes américains, français ou autres, n’est ni la paix, ni le bien-être des populations. C’est avant tout de maintenir leur domination. Et ils n’y réussissent qu’en dressant les populations les unes contre les autres, allant d’une solution instable à une autre, non sans laisser sur leur chemin des bombes à retardement.