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Grèce : les reculs de Tsipras et l’intérêt des travailleurs
Lundi 23 janvier, le gouvernement grec a envoyé à l’Eurogroupe la liste de « réformes » qu’il réclamait comme condition pour accepter une extension de quatre mois du financement de sa dette. Les ministres des Finances de la zone euro ont donné leur accord de principe en y voyant simplement « un point de départ ».
Seule une partie des propositions électorales de Tsipras figure de façon explicite parmi les réformes annoncées. Il s’agit, pour l’essentiel, des mesures d’aide d’urgence aux plus pauvres, en particulier sous une forme non financière comme l’attribution de bons de nourriture. L’engagement est pris cependant que cette lutte contre la crise humanitaire n’aura pas d’effet négatif sur le budget.
Le reste, comparé au programme du gouvernement, est beaucoup plus flou sauf l’affirmation du contrôle de toutes les décisions et du budget du gouvernement grec par « les institutions européennes et internationales ». Le nom détesté de Troïka est supprimé, pas la chose.
Dans la liste des « réformes », on trouve entre autres le contrôle des dépenses de l’État, qu’il s’agisse d’éducation, de défense ou de transport, et la possibilité de revoir le système des salaires du secteur public à condition de ne pas alourdir la note globale. Comme prévu, le nouveau gouvernement ne revient pas sur les privatisations réalisées, mais il prévoit, contrairement à ce qu’il disait, que les autres sont à reconsidérer… de façon à en tirer le maximum de profits pour l’État.
Quant au salaire minimum, dont l’augmentation par étapes à 750 euros était une des promesses importantes de Tsipras, il n’est pas chiffré et « l’ampleur et les étapes de sa modification seront contrôlées par les partenaires sociaux, les institutions européennes et internationales (…) et tiendront compte du développement de la productivité et de la compétitivité ». La liste mentionne aussi les mesures de lutte contre la corruption et l’évasion fiscale prévues depuis longtemps et jamais réalisées.
La pression sur le gouvernement grec a été maximale. De l’extérieur, les États européens, en particulier l’Allemagne, l’Espagne mais aussi la France, ont défendu avec acharnement la nécessité de faire payer la population, c’est-à-dire le droit de leurs banquiers à extorquer tout le profit possible de n’importe quel pays, y compris du leur, puisqu’ils sont à l’origine de cet endettement monstrueux dont ils ont fait racheter les créances par leurs propres gouvernements.
De l’intérieur aussi, les patrons grecs sont sortis de leur silence relatif pour « soutenir » le nouveau gouvernement tout en le pressant de conclure « immédiatement un accord mutuellement profitable » avec l’Eurogroupe. Le SEV, le Medef grec, et plus encore l’Union grecque des entrepreneurs, qui rassemble les plus grosses fortunes dont des armateurs, ont fait pression eux aussi. Pratiquant le chantage, ils ont réclamé, en échange de leur « soutien », des mesures comme la baisse des coûts de production, celle des cotisations sociales et la possibilité de recommencer à négocier directement avec les travailleurs pour fixer les salaires.
Tsipras a qualifié la liste envoyée à Bruxelles de « manœuvre de contournement » pour éviter de tomber dans le piège de l’adversaire. Pour le moment, la seule réaction favorable a été celle de la Bourse d’Athènes, en hausse de 9 %. Au sein de Syriza, le propre parti du chef du gouvernement, la gauche proteste contre les renoncements.
Le fait est qu’il devient difficile de voir dans quelle mesure les promesses faites par Tsipras à la population grecque seront tenues.
Les travailleurs, la population qui le 25 janvier ont dit par leur vote qu’ils en avaient assez de l’austérité, auraient tort de faire confiance au seul gouvernement pour faire aboutir leurs revendications et les imposer à l’Eurogroupe et à la bourgeoisie grecque. Rien ne pourra changer sans toucher les possédants au porte-monnaie, à commencer par les bourgeois grecs, industriels et banquiers, sans s’organiser pour empêcher les banques de laisser filer les capitaux hors du pays. La classe ouvrière et la population ont les moyens de le faire, s’ils font confiance à leurs propres forces.