Ukraine : De « plans de paix » en escalade guerrière11/02/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/02/2428.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : De « plans de paix » en escalade guerrière

Mercredi 11 février, à Minsk en Biélorussie, devait se tenir un sommet réunissant les présidents ukrainien, russe, français, avec la chancelière allemande et des chefs séparatistes de l'est de l'Ukraine. Nul ne s'aventurerait à prédire ce qui pourrait sortir du « plan de paix de la dernière chance » que Merkel et Hollande disent avoir négocié.

En à peine un an, ce coin d'Europe s'est brutalement transformé en un bourbier sanglant, sans que ceux qui en portent la principale responsabilité - Washington et Moscou, qui s'y affrontent par alliés interposés : les nationalistes au pouvoir à Kiev, les séparatistes prorusses du Donbass - semblent savoir comment ils pourraient s'en dégager sans trop de casse. Pour eux, pas pour les peuples qu'ils prennent en otages.

Alors, les morts et les destructions s'accumulent au gré d'accords de cessez-le-feu jamais respectés. Car les protagonistes, pour autant qu'ils acceptent de négocier, ne veulent le faire qu'en position de force. C'est ce qui avait fait capoter le précédent sommet, mi-janvier, au Kazakhstan. Le 4 janvier, Kiev avait lancé une offensive contre les bastions séparatistes : elle avait tourné au fiasco militaire, et la partie ukrainienne avait alors refusé toute négociation.

Depuis, la situation n'a fait qu'empirer.

Pour Kiev, dont les troupes cèdent du terrain aux prorusses. Pour le président ukrainien Porochenko, car les échecs de son opération « antiterroriste » l'affaiblissent face à ses alliés-rivaux du camp nationaliste. Mais ce sont les populations des régions dévastées par les combats, d'où près d'un million de réfugiés ont dû fuir, qui paient la guerre au prix fort. Et celles des régions éloignées des combats n'échappent ni aux conscriptions à répétition, ni aux sacrifices que les va-t-en-guerre exigent d'une population déjà plongée dans le dénuement, ni à l'infection militaro-nationaliste qui s'étend partout. Cela ne frappe pas que l'Ukraine : la population russe est aussi victime du bras de fer engagé par le Kremlin en Ukraine.

Le Kremlin y pousse ses pions, ce sur quoi insistent les médias occidentaux en présentant Poutine comme le seul et unique agresseur. Mais cela se fait sur un terrain où le Kremlin cherche à obtenir des compensations au fait d'avoir perdu l'Ukraine et son gouvernement qui a basculé dans le camp adverse. Car depuis un quart de siècle que l'URSS a disparu, l'impérialisme n'a eu de cesse d'étendre la main, politiquement, militairement et économiquement, sur des pays que Moscou considère comme faisant partie de sa zone d'influence.

En Ukraine notamment, Washington est à la manoeuvre, alors que Paris ou Berlin font plutôt de la figuration. Venant à la rescousse de son allié nationaliste ukrainien, Obama a laissé entendre qu'il n'excluait pas de doter l'Ukraine d'armes lourdes. Le Congrès américain a voté 350 millions de dollars de crédits à cette fin. Et le général américain qui commande les troupes de l'OTAN en Europe s'est déclaré favorable à de telles fournitures.

Paris et Berlin semblent craindre une escalade qui attise l'incendie aux portes de l'Union européenne. Mais on constate avec quelle rapidité la machine à mettre en condition la population peut se mettre en branle. En quelques jours, les médias d'ici ont multiplié les gros titres sur le thème : « Faut-il armer l'Ukraine ? » Quant à la présence d'avions russes dans la Manche, elle a été montée en épingle par les ministères français et anglais de la Défense.

Il se peut que cela participe d'un bluff à grande échelle destiné à peser sur Moscou, dans la perspective de négociations sur l'avenir de l'est de l'Ukraine. Il s'agirait là de décider de l'influence dont la Russie et les États-Unis disposeront dans ce pays. Obama et Poutine laisseront peut-être l'Allemagne et la France y dire leur mot, pour remercier Hollande et Merkel d'avoir joué les « monsieur et madame bons offices » entre Kiev, Moscou et Washington. Mais les populations concernées, elles, n'auront de toute façon pas voix au chapitre.

Même si les protecteurs américains et russes des belligérants qui s'affrontent sur place ne souhaitent pas en venir à une « confrontation militaire » directe USA-Russie, Obama a déclaré dans la même phrase que restent ouvertes « toutes les options possibles ». Y compris, comme dans tant de sales guerres provoquées ou envenimées par les intérêts des grandes puissances, la possibilité que la guerre en Ukraine n'ait pas fini de faire couler le sang des peuples.

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