Une jeunesse déboussolée par une société folle21/01/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/01/2425.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Une jeunesse déboussolée par une société folle

Après les attentats, dans de nombreux établissements scolaires des quartiers défavorisés, une fraction parfois importante des élèves a repris à des degrés divers les arguments des intégristes religieux contre Charlie Hebdo ou s'est revendiquée d'un démagogue d'extrême droite comme Dieudonné.

Pendant les jours qui ont suivi, journalistes, élus et spécialistes en tout genre se sont répandus dans les médias pour déplorer hypocritement « l' échec de l'école dans la transmission des valeurs républicaines ». Et de disserter gravement sur le rôle de l'école, de se demander si elle n'aurait pas une certaine responsabilité dans l'attitude de ces jeunes, s'il ne faudrait pas revoir la formation des enseignants pour mieux les encadrer, ou encore rendre l'enseignement moral et civique obligatoire à tous les niveaux. Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Éducation, y est elle aussi allée de ses petites propositions : faire chanter plus souvent la Marseillaise en classe et imposer aux élèves de se lever en présence d'un adulte.

C'est à se demander si ces gens-là ont jamais dépassé les frontières de leur arrondissement huppé, ou n'ont pas oublié depuis longtemps leurs origines populaires. Pour eux, les statistiques du chômage semblent n'avoir jamais été que des chiffres. Or, derrière ces chiffres, il y a une réalité dramatique, celle de toute une société qui se délite sous l'effet de la crise capitaliste. L'attitude d'incompréhension de ces élèves après les attentats n'en est qu'un témoignage.

Ce que vivent les habitants des quartiers populaires, c'est la dégradation de tous les services publics, et en premier lieu de l'école, le chômage durable subi par beaucoup d'entre eux, l'aggravation de la misère et la ghettoïsation qui en découlent. Il n'est pas étonnant que les jeunes de ces quartiers rejettent cette société qui ne leur offre souvent que l'échec scolaire, l'ostracisme à cause de leur origine immigrée, les petits boulots et le chômage.

En guise de culture et de connaissances, ils n'ont droit qu'aux informations tronquées des journaux télévisés, aux programmes débilitants qui envahissent les chaînes. S'ils cherchent autre chose autour d'eux, ils tombent sur les intégristes religieux, qui s'appuient sur leur sentiment de révolte et de frustration pour tenter de les gagner à leurs idées réactionnaires. Comment s'étonner, dans ces conditions, de la montée du chacun-pour-soi et de la violence, ainsi que de toutes les idées rétrogrades, racisme et communautarisme, misogynie et préjugés religieux ? Et si certains sont plutôt enclins à croire à des sornettes, comme la « théorie du complot » sortie d'on ne sait où, c'est qu'ils ont depuis longtemps appris à ne plus rien croire des discours officiels.

Oui, c'est toute une partie de la jeunesse qui se trouve ainsi rejetée, privée de véritable accès à la culture, désorientée et sans espoir. Et tous ces gens qui font semblant de le découvrir ne trouvent rien d'autre à faire que de se demander pourquoi les enseignants, à qui on enlève des moyens, année après année, ne parviennent pas à changer l'état d'esprit de cette jeunesse !

Le problème n'est pas de rétablir des cours de morale ou d'apprendre la République à des élèves auxquels elle ne peut être qu'étrangère. Il est de remettre en cause l'organisation capitaliste de la société.

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