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Dans le monde
Grèce : Que promet Syriza ?
Tsipras affirme sa volonté d'endiguer la crise humanitaire en fournissant aux ménages les plus pauvres une aide alimentaire, de l'électricité, des soins et des transports gratuits et il promet de relever progressivement les pensions les plus basses. Il envisage d'autres mesures : pour les particuliers ou les petits entrepreneurs endettés, la suppression des saisies sur les comptes bancaires ou les logements, un allègement des dettes ; pour les salariés, le rétablissement du salaire minimum à 750 euros, un programme d'emplois dans le public et le privé. Une partie des fonctionnaires mis « en réserve » par le gouvernement Samaras devrait être réintégrée sans pour autant que le nouveau gouvernement renonce à réduire leur nombre, même si Tsipras promet d'évaluer les fonctionnaires par des procédures « objectives ».
Où trouver l'argent ? Pour le dirigeant de Syriza, il faut faire payer l'oligarchie financière, lutter contre l'évasion fiscale, créer un impôt sur les grandes fortunes immobilières ; il promet de réprimer le « crime économique », la contrebande des carburants, et de mieux utiliser les fonds européens tels que le Fonds de stabilisation financière. Car contrairement à ce que l'on entend, il ne propose pas de quitter l'Union européenne.
Campagne électorale oblige, Syriza maintient qu'il est nécessaire « d'annuler une grande partie de la valeur nominale de la dette publique, d'imposer un moratoire sur le remboursement », et ce qu'il appelle la « partie légitime » de cette dette devrait être remboursée au fur et à mesure du rétablissement de l'économie grecque. Tout serait fait « dans le cadre d'un accord européen », et de façon progressive, y compris la suppression des mémorandums, ces plans d'austérité imposés par la Troïka, c'est-à-dire l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI.
Comparées à la politique du gouvernement d'Antonis Samaras, le chef de file du parti de droite la Nouvelle Démocratie, les mesures prônées par Tsipras apparaissent comme radicales. Mais seul l'avenir dira si elles seront autre chose que des promesses électorales qui s'évanouiront devant les premières pressions des milieux financiers. Il n'y a pas à chercher loin pour en trouver des exemples.
Tsipras et son parti Syriza cherchent à accéder au gouvernement dans le cadre d'un système qu'ils ne remettent pas fondamentalement en cause, même si Tsipras parsème ses discours d'attaques contre le « libéralisme économique » et les « marchés omnipotents » . Pour mettre en oeuvre leur politique, ils ne demandent que des votes. Ils n'évoquent pas la nécessité de créer un autre rapport de force, qui seul permettrait à la population de remettre vraiment en cause l'emprise de l'oligarchie financière sur la société.
Au contraire, depuis que ses succès électoraux ont porté Syriza sur le devant de la scène, son leader a cherché à se montrer responsable devant tous les décideurs politiques et économiques. En 2014, devant le congrès de SEV, le Medef grec, il a plaidé pour l'établissement de bonnes relations entre les patrons et son parti pour le bien de l'économie nationale. Il a fait le tour de certains cercles d'économistes libéraux, à Londres ou à Washington, pour les convaincre qu'il n'était pas « aussi dangereux que certains le pensent ». Et si on en croit le Financial Times, certains investisseurs l'ont trouvé « plus pragmatique que ne le laissait supposer la rhétorique de Syriza dans le passé » ! En août 2014, Tsipras a même poussé le sens des responsabilités jusqu'à aller passer quelques jours au Mont Athos, ce foyer ultraréactionnaire de l'orthodoxie grecque : une place de Premier ministre vaut bien une messe !
Quand Tsipras affirme : « La victoire de Syriza sera le commencement d'un grand effort national pour sauver la société et reconstruire notre pays », c'est finalement aux dirigeants du monde capitaliste que Tsipras s'adresse, au moins autant qu'aux électeurs, et bien plus qu'à la classe ouvrière en tant que telle. Celle-ci a déjà largement payé « l'effort national » que lui demandent depuis des années les capitalistes grecs et européens. Ce sont ceux-là qu'il faudra faire payer et pour cela, ce n'est pas sur Tsipras qu'il faut compter.