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Dans le monde
Allemagne : Manifestations contre l'immigration à Dresde
Ces derniers mois, dans un contexte de crise où l'Allemagne est devenue le premier pays d'immigration en Europe (465 000 immigrés y sont arrivés en 2013 pour s'y installer durablement, pour 81 millions d'habitants), les partis gouvernementaux se sont lancés dans une propagande ignoble contre les immigrés, calomniant les réfugiés de Syrie, d'Afghanistan, d'Irak ou encore les Roms d'Europe de l'Est prétendant qu'ils viennent profiter des largesses du système social et qu'ils seraient un poids financier insupportable pour les communes. L'extrême droite, elle, a augmenté les attaques contre les foyers de demandeurs d'asile.
Et depuis plusieurs semaines, un autre phénomène, inquiétant parce qu'il semble avoir une assise populaire, prend de l'ampleur : des manifestations, à chaque fois plus nombreuses, ont lieu dans une grande ville de l'Est, Dresde, avec 12 000 participants lundi 15 décembre et 15 000 lundi 22. Dans d'autres grandes villes où l'extrême droite a également tenté des manifestations, elle n'a pas rassemblé grand monde : au maximum 300 activistes ou hooligans, en général moins que les contre-manifestants.
Les manifestations à Dresde sont appelées par Pediga, acronyme qui évoque des « Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident (chrétien) », derrière lequel se dissimulent des gens d'extrême droite. Ils avancent masqués, et de fait la situation n'est pas simple, car si l'extrême droite est présente dans ces manifestations et les instrumentalise, la majorité des manifestants ne sont pas d'extrême droite. Certains sont réactionnaires et racistes, mais d'autres, souvent de milieu populaire, retraités ou travailleurs pauvres, sont surtout inquiets de l'avenir, écoeurés par les hommes politiques et désorientés.
Ils se sont sentis diffamés par les médias les présentant comme des nazis, et les journalistes, les partis gouvernementaux, ceux-là mêmes qui depuis des mois font de la surenchère contre les immigrés, n'ont rien d'autre à leur opposer que de la morale et leur mépris social. Les manifestations ont commencé lorsque la ville de Dresde venait de décider d'ouvrir douze foyers pour demandeurs d'asile. Des manifestants demandaient : « Pourquoi toujours chez nous, dans les quartiers populaires, où il n'y a d'argent ni pour des écoles ni pour des crèches ? Pourquoi les politiciens ne les accueillent pas dans leurs villas ? Ils ont de la place, eux ! »
L'un des slogans les plus souvent scandés est « La presse ment », et les journalistes ne sont pas les bienvenus. De la part des initiateurs du mouvement, apparaît la rhétorique habituelle à l'extrême droite contre le système et les médias ; ils demandent d'ailleurs aux manifestants de ne pas répondre aux journalistes. Mais parmi les manifestants qui passent outre, ce qui est frappant, c'est combien ils expriment de rage, d'ambiguïté et d'aspirations contradictoires. S'expriment la peur de l'immigration, mais autant la défiance contre le gouvernement, les partis, les riches qui mentent, trichent et confisquent le pouvoir. Sur des pancartes, des ouvriers expliquent par exemple qu'après 40 ans d'usine, ils touchent une retraite équivalente au RMI et que ça ne peut pas durer.
Les initiateurs de Pegida, eux, savent sans doute très bien où ils veulent aller. Dans ce Land où l'extrême droite réalise ses meilleurs scores électoraux et où elle s'implante au travers d'associations anodines, ils se servent de ces manifestations pour tenter d'étendre d'un coup leur influence. Le NPD a recueilli 4,9 % des voix aux dernières élections régionales en Saxe (c'est son bastion), à ajouter aux près de 10 % remportés par l'AfD, l'Alternative pour l'Allemagne, nouveau parti de la droite populiste dont nombre de militants et d'électeurs comptent parmi les manifestants. Si en Saxe la proportion d'immigrés est faible, le chômage comme la pauvreté sont bien au-dessus de la moyenne nationale.
Dans leurs mots d'ordre, les organisateurs font des amalgames répugnants entre étrangers et criminels, ils demandent la restriction du droit d'asile, surfent sur la théorie du complot. Le porte-parole de Pegida, Lutz Bachmann, poursuivi pour cambriolages et trafic de drogue, a fait plusieurs années de prison. Lui qui s'était enfui jusqu'en Afrique du Sud pour échapper à la police, il dénonce la criminalité des étrangers.
Reste que plusieurs contre-manifestations, à Dresde et dans de nombreuses autres villes allemandes, ont rassemblé des milliers de personnes, dont 12 000 à Munich le 22 décembre, et d'autres sont prévues, derrière le slogan « Bienvenue aux migrants ». Elles drainent autant de monde, jeunes ou moins jeunes, révoltés de voir que le racisme et tout ce fatras réactionnaire s'expriment ainsi au grand jour.