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Dans le monde
Russie : Menace de krach... et de crise sociale ?
Depuis janvier, bien que les autorités répètent qu'il n'y a aucune raison sérieuse à cela, le rouble a perdu 45 % de sa valeur face au dollar. La banque centrale a dilapidé le tiers de ses réserves de change pour essayer de le stabiliser, puis elle a cessé d'intervenir, espérant que la monnaie finirait par s'arrêter de chuter. Rien n'y a fait.
L'étiquetage en dollars réapparaît : c'est plus simple pour le commerçant que de changer chaque jour des prix libellés en roubles à mesure que la monnaie se déprécie. Prétendant vouloir « réexaminer leurs prix », Audi, GM, Jaguar, Renault-Nissan, Apple, Ikea ont suspendu tout ou partie de leurs activités commerciales. Seat, lui, a plié bagage. La fuite des capitaux s'emballe, les riches sortant encore plus vite que d'habitude tout ce sur quoi ils ont fait main basse pour le placer à l'étranger.
Des entreprises, qui ont pris des crédits en devises, n'ont parfois plus les moyens de rembourser des banques, notamment françaises et allemandes, qui se placent en tête de ce type de financements. Et ce ne sont pas les banques russes qui prendront le relais : elles manquent de fonds, surtout depuis que les sanctions occidentales contre le Kremlin, accusé d'attiser la guerre en Ukraine, leur interdisent de se financer sur les marchés internationaux.
Juste quinze ans après son accession aux commandes du pays, dans la foulée du krach de 1998 qui l'avait mis à genoux, Poutine se retrouve face à un mélange d'inflation et de récession profonde qui pourrait rappeler la situation de l'époque. Or Poutine se présente comme l'homme qui a tiré la Russie de son abaissement d'alors avec ses méthodes musclées. C'est cela dont il se sert pour se donner une image de chef et de sauveur.
Durant sa conférence de presse, Poutine s'est voulu rassurant pour ceux dont il sert les intérêts, et d'abord les plus riches d'entre eux, les oligarques, en leur promettant qu'il n'y aurait pas de contrôle des mouvements de capitaux. Ces propos voulaient également dissuader les hommes d'affaires occidentaux de quitter un navire russe qui tangue dangereusement.
Quant à s'adresser à la population laborieuse, Poutine s'est présenté en défenseur « des travailleurs » russes face à des couches de la population mieux loties, et il a affirmé que, d'ici deux ans au plus, le pays aurait surmonté l'épreuve. Les travailleurs sont donc priés de prendre leur mal en patience. Et puis Poutine a décrit cette crise comme résultant d'un complot étranger destiné à affaiblir la Russie. Mais, vieille rengaine, Poutine est là, et il faudrait lui faire confiance...
Le Kremlin, il est vrai, ne peut pas dire autre chose. Son budget ? Il ne le maîtrise pas, car ses rentrées en devises dépendent à 80 % de ses exportations de gaz et de pétrole. Or les cours mondiaux des hydrocarbures ont baissé d'un tiers en six mois, ce sur quoi le Kremlin n'a aucune prise. Il n'en a pas plus sur la demande d'énergie d'une économie capitaliste mondiale durablement en crise. Quant à l'état du pays, il est le résultat de la politique de ses dirigeants, qui sont à l'image des nantis et des super-riches russes : même quand les revenus du pétrole coulaient à flots, toutes ces devises n'ont jamais servi à moderniser les infrastructures ni à diversifier l'économie.
Cet argent, les dirigeants-hommes d'affaires du secteur privé ou étatique en ont empoché une grande partie, pour acheter en Occident de l'immobilier de luxe, des clubs sportifs, des yachts, etc. Le reste, l'État l'a dilapidé en dépenses improductives, tels les Jeux olympiques d'hiver à Sotchi, destinés à conforter le prestige international du régime, ou en aventures guerrières comme en Crimée et en Ukraine de l'Est.
Le résultat, on le voit. Et on voit bien que Poutine et ses compères craignent que cet effondrement économico-financier ne débouche sur une crise, sociale celle-là, où les classes laborieuses remettraient en cause le pouvoir de ceux qui les gouvernent et qui les exploitent. Ce serait bien la dernière chose que ces parasites n'auraient pas volée.