Mexique : Un État mafieux10/12/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/12/2419.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mexique : Un État mafieux

« Le Mexique ne peut pas continuer ainsi après Iguala », a déclaré le président Enrique Pena Nieto en annonçant un plan en dix points pour lutter contre le crime organisé. Au même moment, des tests ADN sur un des cadavres retrouvés dans la ville d'Iguala ont confirmé qu'il s'agissait bien d'un des 43 étudiants disparus depuis septembre.

Le massacre de ces 43 élèves-instituteurs par un gang qui entretenait des liens avec la police, mais aussi avec la municipalité, a révélé au monde entier l'ampleur de la corruption dans ce pays où les politiciens des trois principaux partis, le PRI, le PAN et le PRD, mais aussi une partie de la police et de l'armée, sont notoirement corrompus par l'argent de la drogue.

La revue Forbes publie régulièrement des classements des grandes fortunes mondiales où figure Carlos Slim, multimilliardaire mexicain de la téléphonie, mais il lui est arrivé d'y faire entrer un certain Guzman, un des principaux parrains mexicains de la drogue.

Ce massacre montre que, outre la corruption, la population subit une véritable terreur des gangs mais aussi des forces répressives de l'État, notoirement dans les États de la frontière nord avec les États-Unis, mais aussi au sud, là où le massacre d'Iguala a eu lieu.

De 1929 à 2000, le Mexique a vécu sous le régime du parti unique. Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) encadrait la population en s'appuyant sur des organisations syndicales ou corporatistes. L'État intervenait dans l'économie, tout en favorisant les multinationales, notamment nord-américaines, leur proposant une main-d'oeuvre très bon marché et donc surexploitée. Malgré les importantes ressources du Mexique, malgré une semi-industrialisation, la pauvreté y est très forte. Parmi les quelque 120 millions de Mexicains, des millions cherchent un sort meilleur aux États-Unis.

En outre, l'État mexicain n'a jamais hésité à réprimer les mouvements sociaux dont il perdait le contrôle. Ainsi furent réprimées la grève des cheminots de 1958-1959, dont les dirigeants furent jetés en prison pour des années, la guérilla paysanne de Ruben Jaramillo, assassiné en 1962, ou la grève des étudiants de 1968, massacrés à Mexico, sur la place des Trois-Cultures.

Usé par le pouvoir dans les années 1990, le PRI aida le PAN, parti de droite lié à l'Église, à lui succéder. Les douze années de gouvernement du PAN (2000-2012) ont été marquées par une montée en puissance des cartels de la drogue. Calderon, chef du PAN élu en 2006 à la présidence, prétendit lui aussi combattre le crime organisé, mais au final l'argent de la drogue a inondé les quartiers pauvres, corrompu les responsables et inondé les circuits bancaires. En même temps, Calderon s'attaqua aux travailleurs qui résistaient à sa politique antiouvrière, notamment au syndicat des électriciens.

Ces années ont donc été marquées par de nombreux affrontements armés auxquels participèrent police, armée et cartels. La population civile en a payé le prix fort. On parle d'au moins 22 000 « disparus ». Le massacre des 43 étudiants n'est qu'un de plus dans le tribut que la population mexicaine paye depuis longtemps à un État mafieux, sans qu'il ait été possible bien souvent, après la découverte de tel ou tel charnier, de discerner qui, des forces de répression de l'État ou des gangs, en était responsable.

Le retour du PRI aux affaires en 2012 n'a pas fait disparaître la corruption et la violence. Si Pena Nieto voulait calmer la colère qui s'exprime ces jours-ci, pas plus que ses prédécesseurs il n'est en mesure de mettre un terme à la corruption et à la violence qui gangrènent le pays et qui d'ailleurs ont en partie assuré son élection.

Au moment où le président mexicain se prépare à brader le secteur énergétique et cherche à attirer des capitalistes pour un nouveau dépeçage, cette affaire le gêne un peu. Heureusement pour lui, les investisseurs n'ont jamais été regardants. Il y a déjà longtemps qu'un dirigeant nord-américain avait expliqué qu'il revenait à l'État mexicain de se charger des basses besognes, ce qui permettait à d'autres de s'occuper des profits.

Partager