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Burkina Faso : L'armée s'impose à la tête de l'État
Deux semaines plus tard il abandonnait la présidence à un civil, Michel Kafando, semblant ainsi répondre aux voeux des grandes puissances qui préfèrent que l'armée ne s'affiche pas trop sur le devant de la scène. Mais quelques jours s'étaient à peine écoulés que le président Kafando nommait à son tour Zida Premier ministre. Ce dernier occupera également le poste de ministre de la Défense et aura donc la main sur l'armée.
Un autre militaire, le colonel Auguste Denise Barry, est nommé au ministère de l'Intérieur. Il sera également chargé d'organiser les élections, prévues dans un délai d'un an maximum. Le colonel Boubacar Ba sera, lui, ministre des Mines et de l'Énergie. Pour les dix mines d'or exploitées au Burkina, les compagnies ne reversent même pas au pays 1 % du bénéfice qu'elles en tirent, ce qui ne veut pas dire que les dirigeants burkinabés n'en touchent pas leur part.
Pour sa part, le nouveau président Michel Kafando aura en charge les Affaires étrangères. Cet ancien diplomate se devra d'amadouer les grandes puissances et les bailleurs de fonds qui financent une grande partie du budget du Burkina, en premier lieu la France, qui manoeuvre pour que l'armée se contente d'exercer en coulisse le pouvoir réel. Cette politique est promue dans toute l'Afrique par les dirigeants de l'impérialisme français. Ils en espèrent plus que de la présence de dictateurs à vie accumulant contre eux un prévisible mécontentement populaire.
Les partis dits d'opposition sous Compaoré, comme le Balai citoyen, un mouvement qui avait été en pointe dans la révolte, se sont prêtés sans retenue à ce jeu de chaises musicales entre Kafando et Zida. Il n'y a donc rien à attendre de tels partis. C'est de la jeunesse et de tous ceux qui ont chassé l'ancien dictateur que pourrait venir la résistance à cette mainmise militaire, qui maintiendra les mêmes injustices.
Après le soulèvement, l'enthousiasme est toujours grand. L'espoir que tout va changer, qu'il n'y aura plus à subir la misère et la corruption, est dans tous les esprits. Le fait que l'armée, représentée par Isaac Zida, se soit rangée au côté du soulèvement populaire pour mieux l'utiliser, peut tromper une partie de la population. Mais cela ne durera forcément qu'un temps. Les Burkinabés pourraient bien descendre à nouveau dans la rue pour reprendre les rênes de cette révolution qu'on leur a volée, instruits cette fois par l'expérience de ce que représentent réellement les politiciens civils et les chefs militaires.