Il y a 25 ans, 9 novembre 1989 : La chute du Mur de Berlin12/11/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/11/2415.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Il y a 25 ans, 9 novembre 1989 : La chute du Mur de Berlin

Le 9 novembre 1989 au soir, le gouvernement de la RDA, la République démocratique allemande, annonçait dans la précipitation qu'il autorisait les Allemands de l'Est à voyager librement à l'étranger.

La mesure prenant effet immédiatement, des milliers, puis des centaines de milliers de Berlinois de l'Est, d'abord incrédules, affluèrent aux points de passage le long du mur qui les séparait de Berlin-Ouest, pour voir ce qu'il en était réellement. Au bout de plusieurs heures de tension, les gardes-frontière débordés laissèrent passer tout le monde. Le Mur de Berlin, ce mur hideux emprisonnant tout un peuple, tombait ainsi peu après que le chef d'État de RDA, Erich Honecker, eut déclaré solennellement qu'il tiendrait encore cent ans.

Les premiers signes du changement étaient venus de l'extérieur, les dirigeants de l'URSS ayant décidé de desserrer l'étau et d'abandonner les pays de l'Est à leur sort. En mai 1989, la Hongrie avait annoncé l'ouverture de sa frontière avec l'Autriche. Des milliers d'Allemands de l'Est s'étaient mis à fuir vers l'Allemagne de l'Ouest en passant par la Hongrie. Le flot était devenu de plus en plus dense au cours de l'été, au point que bientôt plus rien ne fonctionnait correctement dans les hôpitaux, les usines, les transports de la RDA. Lâché par l'URSS, le gouvernement est-allemand était impuissant à enrayer ce mouvement.

La vague des manifestations

La rage au coeur face à cette vague de départs, la population se mit à manifester. En réponse au slogan « Nous voulons sortir » des uns, des manifestants réagirent par « Nous restons ! », affirmant leur volonté d'essayer de changer les choses là où ils étaient. Malgré la répression, la présence de la police politique (la Stasi) et la peur, après quarante ans à subir la dictature, le mouvement, loin de céder, devint de plus en plus massif au cours de l'automne. Les manifestations allaient se succéder sans interruption dans les grandes villes, au point que, dans ces semaines-là, plus de la moitié de la population de RDA manifesta. Le limogeage d'Honecker n'allait pas enrayer le mouvement. Le 4 novembre, il y eut jusqu'à un million de manifestants à Berlin, dans un mouvement profond et joyeux, avec des airs de mai 1968. La population de la RDA rejetait le régime, cette dictature stalinienne qui donnait une image hideuse du socialisme.

Les événements s'emballaient, et les mesures du gouvernement paniqué arrivaient chaque fois trop tard. Les manifestants revendiquaient la démission du gouvernement est-allemand : à peine revendiqué, celui-ci démissionnait en bloc. Le lendemain, le 8 novembre, c'était le tour du parti communiste est-allemand, le SED : son bureau politique se dissout et désigna une nouvelle direction, qui se dit réformatrice. Mais les manifestations continuèrent. En écho aux slogans des manifestants, les nouveaux ministres, les nouveaux membres de la direction du PC parlèrent d'élections libres, de la possibilité de candidatures multiples. Quand ils annoncèrent que la population aurait désormais le droit de voyager librement, le Mur s'écroula, mais c'était l'ensemble du régime qu'il entraînait dans sa chute.

Pour la population est-allemande, dans cette nuit du 9 novembre et dans les jours suivants, ce fut un déferlement d'euphorie et d'espoir. Il y avait la joie de voir s'écrouler un régime dictatorial détesté qui paraissait inamovible, et bien sûr celle de retrouver des amis, des parents qu'on pouvait craindre de ne jamais revoir, parce que par hasard ils se trouvaient de l'autre côté. Il y avait la joie de retrouver une forme de liberté, avec le droit d'aller voir de l'autre côté du Mur, et l'espoir d'avoir accès à ce qui était vu comme l'eldorado capitaliste. À ces sentiments se mêlaient aussi de l'enthousiasme, la fierté d'avoir contribué, par l'action collective, à ces bouleversements. Car si la raison profonde de la chute du Mur fut le changement d'attitude de l'URSS, et non la pression populaire, la mobilisation fut un puissant accélérateur qui renforça le moral de tous.

Le démantèlement de l'économie est-allemande

Du côté des classes possédantes de l'Ouest, les raisons de se frotter les mains étaient ailleurs. Il y avait le coup porté au bloc de l'Est, le renforcement des positions anticommunistes, et déjà la perspective de dépecer facilement l'économie est-allemande. Elles s'y empressèrent et, dans la période suivante, elles mirent d'abord la main sur les grands complexes industriels de l'ex-RDA, pour les démanteler. Il y eut aussi plusieurs milliers de mises en liquidation d'usines et la privatisation de 14 000 entreprises. En dix ans, l'ex-RDA perdit les deux tiers de ses emplois. La protection sociale en matière d'emploi, de logement, d'études, de santé fut laminée au nom de la concurrence. Et les droits démocratiques conquis allaient se révéler bien peu de chose face à la dictature des trusts.

Le mouvement de fuite vers l'Ouest continua, et même s'amplifia après la chute du Mur : entre 1990 et 2010, un Land de l'Est comme la Thuringe perdit encore 15 % de sa population. Les propagandistes du capitalisme n'ont eu de cesse de dénoncer les régimes d'Europe de l'Est qui, pour retenir leur population, érigeaient des murs et des barbelés, mais ils n'aiment guère aujourd'hui rappeler que la population continue à fuir. La liberté de circuler s'est souvent réduite à la nécessité de déménager, simplement pour trouver du travail.

Quoi d'étonnant alors que, vingt-cinq ans plus tard, des personnes originaires de l'Est continuent de souligner certains aspects positifs qu'avait la vie en RDA ? Ils évoquent le chômage et la peur du chômage qui les habite aujourd'hui, sentiment inconnu à l'époque. Selon des sondages récents, seuls 50 % environ des Allemands de l'Est considèrent qu'ils ont gagné à la réunification, et ils citent comme raison le droit de voyager et d'exprimer leur opinion. Mais beaucoup d'autres trouvent qu'ils y ont perdu, et se sentent traités dans l'Allemagne réunifiée comme des citoyens de seconde zone. En moyenne, les Allemands de l'Est gagnent un tiers de moins que ceux de l'Ouest, le chômage est presque deux fois plus élevé.

Au-delà des chiffres, bien des travailleurs se rappellent aussi les relations de solidarité qui les liaient, dans une société où le marché n'avait pas tous les droits. Vingt-cinq ans après, en Allemagne comme dans le reste du monde, il reste bien des murs à faire tomber.

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