Grande-Bretagne : 11 novembre nationaliste12/11/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/11/2415.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : 11 novembre nationaliste

Chaque année, en octobre-novembre, c'est la saison des poppies en Grande-Bretagne, ces coquelicots rouges stylisés en papier qui sont vendus dans les rues et arborés aux boutonnières, à la mémoire des morts de toutes les guerres, des morts britanniques, s'entend !

À l'origine, c'était une initiative de la Royal British Legion, organisme caritatif créé en 1921 pour aider les invalides de guerre abandonnés à leur sort par l'État. Cet organisme se finançait par des dons privés et par la vente de ces poppies fabriqués par des anciens combattants invalides. Depuis, la British Legion est devenue une institution quasi étatique, qui sert aussi de sergent recruteur à l'armée, tout en distillant la propagande nationaliste du pouvoir en place. Le gouvernement Cameron a donc choisi de s'en servir pour marquer cette première année du centenaire de la guerre de 1914-1918, par une célébration grandiose du rôle de la Grande-Bretagne dans cette guerre.

Le fossé de la Tour de Londres, au centre de la capitale, a été recouvert d'un tapis de 888 246 poppies en céramique. Chacun de ces poppies est censée représenter un mort britannique de la Première Guerre mondiale et aura été « sponsorisé » par un donateur versant au moins 25 livres, soit 32 euros, via un site Internet. Le tout porte un nom évocateur : « Le sang a rougi la terre et les mers. » Mais il n'est pas question pour autant d'évoquer la mémoire des 16 millions d'« autres » (non-britanniques) qui trouvèrent la mort dans cette guerre. Et encore moins celle des innombrables victimes de la Grande-Bretagne impériale au cours de ses nombreuses guerres passées.

Ce déballage spectaculaire n'a d'autre objectif que de célébrer l'« unité nationale » qui aurait marqué cette guerre mondiale, que le choeur des partis politiques continue à qualifier de « juste ». Nul ne rappelle la conscription, que le gouvernement dut imposer en 1916, précisément parce que l'« unité nationale » manquait à l'appel, ni les vagues de grèves qui se multiplièrent ensuite dans la métallurgie. Nul ne mentionne cette génération de militants ouvriers qui défendirent l'internationalisme prolétarien face à la trahison des leaders travaillistes et syndicaux, cooptés au sein du cabinet de guerre, tout comme leurs homologues européens.

Ce silence sur les choses qui dérangent n'a rien pour surprendre. Les politiciens de toutes allégeances qui prennent soin de se montrer à la télévision devant le champ de poppies de la Tour de Londres sont les mêmes qui se livrent à une surenchère anti-européenne et xénophobe, en préparation des élections parlementaires de mai prochain. Ce sont les mêmes qui ont voté récemment l'intervention britannique au Moyen-Orient, après avoir soutenu dans le passé les occupations de l'Afghanistan et de l'Irak. Le sort des hommes, fussent-ils soldats britanniques, ils s'en moquent, tout autant d'ailleurs que du sort des populations.

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