Belgique, manifestation contre l'austérité : Un pas qui en appelle d'autres12/11/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/11/2415.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique, manifestation contre l'austérité : Un pas qui en appelle d'autres

Jeudi 6 novembre, il y eut près de 120 000 manifestants à Bruxelles pour protester contre les mesures du nouveau gouvernement fédéral, présidé par Charles Michel et composé des deux partis libéraux (flamand et francophone), des sociaux-chrétiens flamands et de la N-VA (nationalistes flamands).

En annonçant, dès le premier soir de son existence, le relèvement progressif de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans pour 2030 et un « saut d'index » des salaires en 2015, le nouveau Premier ministre a directement donné le ton : il attaquera les classes populaires sans aucun état d'âme.

En réponse, les trois centrales syndicales ont annoncé la manifestation de Bruxelles, suivie d'une série de grèves par provinces, avec en perspective une grève générale le 15 décembre. Sous le gouvernement de coalition précédent - mené par le socialiste Di Rupo - des mesures aussi dures avaient pourtant été imposées sans que les syndicats réagissent. Mais les deux principales centrales syndicales ont aujourd'hui les mains un peu plus libres. L'ACV/CSC est liée au parti social-chrétien flamand (CD&V) et au parti humaniste francophone (CDH) qui n'est plus au gouvernement fédéral, tout comme les partis socialistes auxquels est liée la FGTB/ABVV. Ces partis, qui brûlent d'envie de retourner à la mangeoire fédérale, tentent de se refaire une virginité alors même qu'en Région wallonne, le PS et le CDH mènent une politique d'austérité tout aussi dure.

Les dirigeants des syndicats dénoncent les mesures d'austérité mais aussi l'absence de « dialogue social ». Ils doivent également se sentir menacés par des déclarations des libéraux de la coalition fédérale qui envisagent de leur retirer la gestion d'une partie de la sécurité sociale, alors que cette gestion et le paiement des indemnités de chômage constituent une des bases de leur influence dans la classe ouvrière et leur assure de nombreux postes. Les mutuelles - une des plus importantes est également liée aux partis socialistes - peuvent également craindre de voir le secteur être libéralisé.

Ces appareils syndicaux et politiques ont donc conjugué leurs efforts pour faire venir les travailleurs à la manifestation. Dans les communes dirigées par le PS francophone ils ont eu un jour de congé. Les salariés de la mutuelle socialiste ont de même été massivement encouragés à manifester. Et comme traditionnellement, les syndiqués devant prendre le train pour rejoindre Bruxelles ont reçu un dédommagement pour le voyage et se payer un sandwich.

Mais quelles que soient les motivations de ceux qui appelaient à cette manifestation, elle correspond au sentiment profond d'un très grand nombre de travailleurs, qu'il ne faut pas laisser passer ces attaques contre leur niveau de vie. Les appels à la mobilisation - et le succès du 6 novembre - ont un peu modifié l'état d'esprit des travailleurs. C'est la première fois depuis 2008 que les travailleurs, tous les secteurs confondus, se retrouvaient ensemble. Les manifestants, francophones notamment, ont remarqué d'abord avec soulagement, puis avec enthousiasme, que les travailleurs flamands étaient aussi nombreux qu'eux. Beaucoup craignent que la division entre communautés linguistiques s'accentue, attisée par le PS francophone, la FGTB wallonne et bien sûr la N-VA.

Il suffirait sans doute que le gouvernement fédéral rassure les dirigeants syndicaux sur le maintien de leurs intérêts d'appareils pour qu'ils présentent tout recul mineur comme justifiant l'arrêt des mobilisations. Mais il n'est pas impossible que le gouvernement fédéral veuille aller à l'épreuve de force. Dans ce cas, jusqu'où iront les directions syndicales et quel sera le degré de mobilisation des travailleurs ? Les grèves dures de l'hiver 1960-1961 sont encore dans pas mal d'esprits.

Les mouvements comme celui du 6 novembre peuvent aider au renforcement de la combativité des travailleurs et être un gage pour l'avenir. Mais il faut que la mobilisation se fasse autour d'un programme qui défende réellement leurs intérêts, sans dépendre des aléas des choix des directions syndicales.

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