Il y a 100 ans - 1914-1918 : De l'offensive à la guerre des tranchées22/10/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/10/une2412.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 100 ans - 1914-1918 : De l'offensive à la guerre des tranchées

« C'est pas fini, c'est pour toujours de cette guerre infâme ». Ces paroles de la Chanson de Craonne expriment le désespoir des combattants qui, de 1914 à 1918, se terrèrent dans les tranchées des deux côtés du front. Des millions n'en revinrent pas ou restèrent mutilés à vie.

Si la Chanson de Craonne exprimait le désespoir des soldats, elle témoignait aussi de leur colère et de la conscience qu'ils avaient de la véritable nature de cette boucherie dans laquelle les pauvres s'entretuaient pour des intérêts qui n'étaient pas les leurs.

Le dernier refrain de la Chanson de Craonne était explicite à cet égard :

« Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront/Car c'est pour eux qu'on crève Mais c'est fini, nous, les troufions/On va se mettre en grève Ce sera vot' tour messieurs les gros/De monter sur le plateau Si vous voulez faire la guerre/Payez-la de votre peau »

Lorsque la guerre éclata, en août 1914, l'état-major français prônait « l'offensive à outrance ». Au nom de ce qu'il appelait « les meilleures traditions de l'armée française », paysans et ouvriers, tout juste tirés de leurs champs et de leurs ateliers, furent jetés dans des assauts meurtriers. On leur avait promis une guerre courte et une victoire facile. Forcés d'avancer à découvert, ils furent broyés par l'artillerie et les mitrailleuses allemandes. Pour la seule journée du 22 août 1914, la plus meurtrière de la guerre, il y eut 27 000 morts du côté français. Face à cette hécatombe, la nécessité pour les soldats de s'abriter finit par s'imposer même aux plus bornés des généraux. Le front se figea à partir de décembre 1914 et un réseau de tranchées de plus en plus profondes fut creusé, allant de la mer du Nord à la Suisse. L'horreur des tranchées remplaça alors celle de l'offensive.

L'HORREUR DES TRANCHEES

Des deux côtés du front, des millions d'hommes durent s'enterrer, parfois séparés de quelques dizaines de mètres seulement. Pendant quatre années interminables et entre deux sorties meurtrières ils attendaient, impuissants, l'arrivée d'obus capables d'engloutir toute une escouade, ou l'explosion des mines, enfouies au bout de tunnels creusés sous les tranchées et bourrés d'explosifs, qui faisaient plus de victimes encore que les plus gros obus. Enfin, à partir d'avril 1915, les gaz asphyxiants firent leur apparition.

Dans l'angoisse permanente, en proie à la vermine et au martèlement de l'artillerie, les soldats des tranchées furent lancés dans de sanglants assauts. Les généraux des deux camps, obsédés par l'espoir illusoire de rompre le front, continuèrent à sacrifier sans compter les vies humaines. Pendant la fin de 1914 et le début de 1915, le général Joffre lança régulièrement les soldats à l'assaut des tranchées ennemies. « Je les grignote », proclamait-il pour justifier l'absence de résultats, alors que des régiments entiers disparaissaient dès leur sortie de la tranchée, empêtrés dans les barbelés et fauchés par la mitrailleuse. Les troupes partaient à la mort sous la contrainte, « les sergents marchant en serre-file pour faire avancer les traînards et les abattre à coup de revolver à discrétion », témoigne Louis Barthas dans ses carnets de guerre. Il ajoute dans sa description d'un assaut suicidaire : « De la tranchée, une voix rude lança cette menace terrible : si la section n'avance pas, on va lui tirer dessus. »

FRATERNISATIONS

Parfois, un accord tacite s'instaurait entre soldats des deux camps pour ne pas ouvrir le feu, et éviter ainsi le déluge d'obus déclenché par chaque fusillade. L'état-major faisait alors tout son possible pour rompre le calme. Les patrouilles nocturnes et les coups de main pour faire des prisonniers n'avaient d'autre but que d'entretenir ce que les assassins galonnés appelaient la combativité des troupes. Cela n'empêchait cependant pas les fraternisations inopinées, comme en ce jour de décembre 1915 que décrit Louis Barthas où les soldats français et allemands durent sortir à découvert pour ne pas mourir noyés dans les tranchées inondées : « Deux armées ennemies face à face sans se tirer un coup de fusil. Ils se sourirent, des propos s'échangèrent, des mains se tendirent et s'étreignirent, on partage le tabac, un quart de jus ou de pinard. » Et il poursuit : « Nos artilleurs reçurent l'ordre de tirer sur tous les rassemblements qui leur seraient signalés et de faucher indifféremment Allemands et Français. »

Ce massacre dura quatre ans. Rosa Luxembourg, dirigeante socialiste allemande qui dès le début s'était opposée à la guerre, la caractérisait ainsi comme l'aboutissement du capitalisme. « Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse, voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est. Ce n'est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne des dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l'ordre, de la paix et du droit, c'est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l'anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l'humanité qu'elle se montre toute nue, telle qu'elle est vraiment. »

Ces paroles conservent toute leur actualité.

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