Hong Kong : Des parapluies sans révolution15/10/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/10/une2411.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Hong Kong : Des parapluies sans révolution

Après plus de quinze jours d'agitation intense où il avait paralysé plusieurs quartiers centraux de Hong Kong, le mouvement que les médias ont baptisé la « révolution des parapluies » semble aujourd'hui à un tournant. Ce mouvement, dont étudiants et lycéens constituent l'essentiel des forces, voudrait empêcher Pékin d'imposer les hommes de son choix à la tête des institutions de Hong Kong. À cette revendication se mélangent des aspirations autonomistes vis-à-vis de la Chine Populaire, exprimant la volonté de la petite bourgeoisie de Hong Kong de préserver son niveau de vie bien supérieur. À cet égard, ce mouvement de protestation s'inscrit dans la droite ligne de bien d'autres qui se sont déroulés depuis le début des années 1980.

Une rétrocession dans l'intérêt du capital

Rappelons que Hong Kong - avec son millier de kilomètres carrés où s'entassent quelque sept millions d'habitants - fut jusqu'en 1997 l'un des joyaux de l'empire colonial britannique.

Avec le blocus économique imposé en 1949 par les États-Unis à la Chine de Mao, Hong Kong avait joué le rôle de port de transit officieux entre l'économie chinoise et le marché mondial, au plus grand profit des grands groupes britanniques.

Mais l'amorce de la réintégration de la Chine dans le marché mondial, dans les années 1970, privait Hong Kong de ce monopole. En revanche, cette évolution laissait entrevoir d'énormes profits, tant en matière de prêts à l'économie chinoise que d'investissements sur son territoire.

En 1980, le gouvernement de Margaret Thatcher entama des négociations en vue de rétrocéder Hong Kong à la Chine, afin de permettre au capital britannique de bénéficier de la manne chinoise en conservant son influence dans l'ancienne colonie. En échange de l'engagement de Pékin de préserver pendant cinquante ans le droit britannique, le statut du dollar de Hong Kong et la liberté de mouvement des capitaux, Thatcher se montra donc prête à bien des concessions, en particulier sur le plan politique.

Il est vrai que le colonialisme britannique ne s'était jamais embarrassé de démocratie à Hong Kong. Il avait fini par accepter que la colonie élise un Conseil Législatif (le LegCo), mais moins de la moitié des adultes y avaient le droit de vote. Quant au gouverneur, aux membres de l'Exécutif et à ceux du corps judiciaire, ils restaient nommés par Londres.

En 1984, Londres et Pékin parvinrent à un accord définissant le fonctionnement futur de Hong Kong après sa rétrocession, prévue pour 1997. Ronald Li, ancien président de la Bourse de la colonie, en résuma ainsi la teneur : « Hong Kong est une colonie. C'est une dictature, même si elle est bienveillante. De colonie britannique elle va devenir colonie chinoise - et en tant que telle, elle va prospérer. » Tel était le point de vue des magnats de la colonie et, au-delà, du capital britannique qu'ils servaient.

Le courant démocratique

Mais la petite bourgeoisie de Hong Kong, elle, ne voulait justement pas que Hong Kong devienne une « colonie chinoise ». Ainsi naquit un courant qui, sous couvert de revendications démocratiques, entreprit de défendre la situation relativement privilégiée de cette petite bourgeoisie contre toute assimilation par la Chine Populaire.

Ce courant continua à se manifester après la rétrocession de Hong Kong, en 1997. En 2010, Pékin lui donna partiellement satisfaction en modifiant le mode d'élection du LegCo. Sur ses 70 sièges, 40 furent désormais occupés par des députés élus au suffrage universel et 30 par des associations patronales et professionnelles.

Restait la question de l'élection du chef de l'exécutif, dont Pékin avait promis en 2010 qu'elle aurait lieu à partir de 2017 au suffrage universel entre des candidats soumis à l'approbation d'un comité nommé par ses soins.

C'est pour combattre cette ingérence de Pékin que fut constitué, en janvier 2013, un nouveau groupe du courant démocratique, le « Mouvement pour l'Occupation de Central Square dans l'Amour et la Paix » (ou « Occupy Central »). Ses initiateurs étaient deux universitaires, flanqués d'un pasteur baptiste, qui prônaient la désobéissance civile.

En septembre, un appel à la grève lancé par la Fédération des Étudiants a amené « Occupy Central » à se rallier à leur mouvement. À leur point culminant, les manifestations ont réuni, selon leurs organisateurs, 200 000 participants.

Dans les jours suivants, des « contre-manifestants », de toute évidence envoyés par les autorités, sont venus porter main-forte à la police contre le mouvement. Néanmoins les manifestants ont tenu bon, défendant leurs barricades et exigeant la démission du chef de l'exécutif ainsi que le renoncement par Pékin à toute ingérence dans l'élection de 2017.

La mobilisation de ces jours-ci est donc restée entièrement dans le cadre des limites du courant démocratique. Corollaire de ces limites, un autre fait marquant a été l'absence de revendications sociales, alors que Hong Kong est l'un des pays d'Asie qui connaît les plus profondes inégalités sociales.

Or, cette absence est d'autant plus significative que, dans l'histoire de Hong Kong, ce sont la classe ouvrière et la population pauvre qui, à maintes reprises, ont pris la tête de l'opposition à la colonisation britannique, en particulier lors des émeutes de 1966 et 1967 - et plus encore lors de la révolution de 1925-27. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, les classes populaires s'étaient mobilisées non pas pour défendre le statut particulier de Hong Kong, mais en se sentant liées au sort des masses pauvres de l'ensemble de la Chine.

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