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- Lutte ouvrière n°2407
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Dans les entreprises
Sous-traitance - Continental-Sarreguemines : Les ouvriers grévistes imposent leur volonté
Tout avait commencé le 13 août dernier, quand la direction de Crealog avait décidé de mettre à pied à titre conservatoire le secrétaire CGT du comité d'établissement, dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave. La direction reprochait au délégué d'avoir critiqué la politique de l'entreprise sur un compte Facebook privé, dont l'accès n'était réservé qu'à une poignée d'ouvriers et dans lequel il intervenait en tant que délégué. En clair, la direction voulait le licencier pour avoir fait son travail de représentant du personnel et demandait l'aval de l'inspection du travail.
Le patron de Crealog a une situation privilégiée auprès de Continental. Avec Crealog et ses 120 salariés (72 en fixe et 48 en intérim) il assure la sortie, le stockage et l'expédition des pneus. Avec son autre société Manuas (23 salariés), il fabrique dans des conditions insalubres les poudres nécessaires au mélange de la gomme. Dans ces deux entreprises, les salaires sont de 40 % inférieurs à ceux de Continental.
L'arrogance du patron a donc provoqué la réaction des ouvriers : chez Crealog la mise à pied de leur délégué, et chez Manuas son mépris affiché envers les revendications de salaire et de sécurité.
Les militants des sections CGT et CFTC de chez Crealog et CFTC de chez Manuas se mirent d'accord pour lancer ensemble la grève. Les militants de base se coordonnèrent seuls et directement. Chez Continental, en dehors de FO, aucun syndicat ne leur apporta un soutien, malgré les demandes qui leur avaient été adressées.
Le mercredi matin, à la prise de poste, la grève était totale, tant chez Crealog que chez Manuas. La quasi-totalité des salariés en 3X8 et du week-end étaient présents, bien déterminés à obtenir satisfaction. Immédiatement la grève fut connue chez Continental, et pour cause, puisque plusieurs ateliers étaient directement touchés.
Le patron de Crealog tenta alors des manoeuvres, qui toutes furent rejetées par les grévistes, bien déterminés à obtenir l'engagement écrit de l'annulation de la procédure de licenciement et le paiement de la mise à pied.
Deux responsables de l'union locale CGT rejoignirent le rassemblement des grévistes et, malgré de grandes déclarations qui se voulaient combatives, ils proposèrent de reprendre le travail avec le camarade mis à pied et d'attendre la réponse de l'inspection du travail, ce qui était exactement ce qu'avançait le patron. En vain ! Ils proposèrent ensuite d'abandonner la demande de garantie écrite. Encore en vain ! Finalement ils s'invitèrent à la négociation et tentèrent d'imposer un accord au rabais qui contrevenait à ce qu'exigeaient les grévistes. Toujours en vain ! La détermination des grévistes obligea finalement le patron à capituler : il signait l'engagement écrit de l'arrêt de la procédure de licenciement et acceptait que les heures de grève soient payées. C'était là une victoire totale des grévistes.
Ceux de Manuas, confortés par la victoire de leurs camarades de Crealog, étaient eux aussi décidés à tenir sur leurs revendications. L'usine de Sarreguemines, avec ses 1 500 salariés, était d'ailleurs en voie de paralysie totale du fait de cette grève. Du coup, c'est le directeur général de Continental qui arriva devant les ouvriers grévistes de Manuas, les menaçant dans un premier temps de les remplacer par des ouvriers de Continental. Sans résultat. Il s'adressa alors au patron de Manuas pour lui intimer l'ordre de régler l'affaire, le menaçant de 25 000 euros de pénalités chaque 10 minutes de retard. Le patron lâcha 100 euros d'augmentation et quelques mesures de protection. Là aussi, la victoire était totale.
Les grévistes en sont sortis regonflés. Ils ont pris conscience que les travailleurs, s'ils sont vraiment déterminés, peuvent eux-mêmes se coordonner, aller au bout de ce qu'ils ont décidé. Ce succès, rapporté par la presse et la télévision régionales, a été largement commenté parmi les travailleurs de Continental, réconfortant tous ceux qui en ont assez de subir.