Procès Xynthia : Les responsables ne sont pas tous dans le box des accusés17/09/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/09/une2407.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Procès Xynthia : Les responsables ne sont pas tous dans le box des accusés

La tempête Xynthia a tué 53 personnes en février 2010, dont 29 à La Faute-sur-Mer, en Vendée. Un procès des responsabilités s'est ouvert, le 15 septembre, devant 700 personnes, dont 213 qui se sont portées parties civiles. Sont inculpés d'homicide involontaire l'ex-maire (UMP) de La Faute-sur-Mer ; sa première adjointe, qui a signé des permis de construire irréguliers, sachant qu'ils se situaient en zone inondable ; le fils de celle-ci, un agent immobilier qui a vendu des terrains dangereux ainsi devenus constructibles ; un autre adjoint au maire, patron du bâtiment, dont les entreprises avaient construit la maison de victimes ; et un cadre de l'ex-DDE (direction départementale de l'équipement).

Les faits rappelés au procès sont accablants. Le maire s'était opposé à l'instauration d'un plan de prévention des risques d'inondation et d'un plan d'organisation des secours. Ses adjoints, qui ont autorisé des constructions en zone inondable, ont des liens familiaux ou amicaux avec les promoteurs et agents immobiliers qui en ont tiré profit. Ces derniers ont vendu à des ménages souvent modestes, à des petits retraités, des maisons bas de gamme, construites dans des zones situées sous le niveau de la mer, sans étage ni surélévation, ce qui les a transformées en pièges mortels quand les flots sont montés.

Les familles des victimes ont de quoi être révoltées et écoeurées. Mais le cadre du procès est d'ores et déjà circonscrit. L'accusation se concentre sur la catastrophe à La Faute-sur-Mer, ce qui a pour effet de limiter les inculpations à des élus et entrepreneurs locaux, alors qu'ils sont pourtant loin d'être les seuls responsables. À La Faute, les entrepreneurs ont construit en toute connaissance de cause dans une zone inondable. Mais dans d'autres lieux frappés par la tempête, comme en Charente-Maritime, où il y a eu douze morts et des centaines de sinistrés, les zones inondables n'avaient souvent même pas été définies, ni la hauteur des digues répertoriée en bien des endroits.

Autrement dit, alors que la météo avait en gros prévu la hauteur qu'atteindrait la mer, les services de l'États étaient incapables de savoir qu'à ce niveau d'eau telle digue serait submergée, et donc quelle zone il aurait fallu évacuer avant que la mer ne l'envahisse. Aucune étude n'avait été menée à ce sujet, et c'est cela aussi qui est criminel. Mais l'État était alors en train de se désengager de ce qui aurait dû être son rôle, notamment en démantelant les DDE et en sabrant dans leurs effectifs.

À La Faute-sur-Mer, la digue submergée était la propriété de l'un des inculpés, agent immobilier. Comment l'État peut-il laisser la gestion d'un équipement, dont dépend la vie de dizaines de personnes, au bon vouloir d'un entrepreneur privé, tenté de faire des économies sur son entretien ?

Depuis Xynthia, l'État a fait restaurer ou rehausser certaines digues, en priorité dans les zones où le terrain est le plus cher, comme l'île de Ré, car la loi privilégie les expropriations si leur coût est inférieur à celui d'une digue. Mais, dans une zone où le terrain est bon marché, la restauration de la digue nord-Charente-Maritime, qui doit compléter le dispositif de protection de la commune de Charron promise par la ministre Delphine Batho pour 2014, se fait toujours attendre. Une association de riverains envisage de porter plainte.

Leur inquiétude s'est renforcée avec l'adoption, début 2014, de la loi Mapam (modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles). Elle désengage l'État et transférera aux communes et communautés d'agglomération la gestion des digues, leur entretien et la prévention des inondations au 1er janvier 2016, ne prévoyant qu'une taxe locale plafonnée à 40 euros par habitant pour financer le tout.

C'est à la fois un racket, pour des populations déjà victimes, et un montant dérisoire pour faire face à l'entretien des digues, sans parler de leur construction si, par exemple, la digue nord n'est pas réalisée par l'État d'ici à 2016.

Non seulement le procès ne met pas en cause les responsabilités au sommet de l'État, mais les politiques mises en oeuvre pourraient bien être responsables de nouvelles catastrophes.

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