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- Lutte ouvrière n°2402
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Editorial
Leur égalité et la nôtre
À peine Manuel Valls avait-il déclaré, à destination du patronat, sa volonté de mettre en place « le pacte de responsabilité, tout le pacte de solidarité, et même au-delà », que le Conseil constitutionnel annonçait qu'il annulait l'article premier de ce pacte, considérant qu'il était contraire à la Constitution. Le prétexte invoqué valait son pesant de cacahuètes. Le texte proposé par le gouvernement n'aurait pas respecté le principe d'égalité, du fait qu'une partie des salariés seraient un peu moins taxés que d'autres ! En réalité, cette mesure avait été décidée in extremis par le gouvernement pour tenter de corriger, très à la marge, le fait que ce pacte de solidarité favorisait tellement les patrons que c'en était trop choquant.
Ce Conseil constitutionnel, organisme non élu, composé dans sa majorité de personnalités de droite, parmi lesquels d'anciens présidents de la République comme Chirac, Sarkozy, et de quelques notables moins connus, a donc choisi, cette fois, une posture de gardien de l'égalité. Pas gênés ! Comme si l'égalité était de règle dans ce pays, pas plus que dans d'autres d'ailleurs.
Mais quelle égalité y a-t-il entre un grand patron et ses salariés ? Pas seulement sur le plan matériel, mais en droit. Un patron peut décider de les licencier, en partie ou totalement, pour transférer ses capitaux dans d'autres régions, dans d'autres pays, voire les utiliser pour spéculer. Les salariés n'ont d'autre choix que de chercher un autre emploi, et de s'inscrire à Pôle emploi, rejoignant les millions de ceux qui y sont déjà. Cela est parfaitement légal, tout à fait constitutionnel.
De façon plus générale, cette inégalité est présente à tous les niveaux, et régit tous les aspects de la vie sociale. Ceux qui détiennent les capitaux décident de qui aura un travail et qui n'en aura pas. Ils ont même le pouvoir, de fait, de déterminer les taux des salaires en jouant sur la concurrence créée par le chômage, même lorsqu'il existe, comme en France, un timide encadrement des salaires minimums, de plus en plus contourné par nombre de patrons.
Quand les « sages » - c'est ainsi que, sans rire, on appelle les membres du Conseil constitutionnel - invoquent l'égalité, cela paraît, pour toute personne douée de bon sens, d'un ridicule absolu. Mais pas pour Valls et ses ministres qui, comme des élèves appliqués, ou des domestiques attentifs, ont obtempéré, annonçant aussitôt qu'ils allaient revoir leur copie afin que ce pacte fonctionne comme prévu, à la date prévue, avec la somme prévue, en faveur du patronat. Chose promise, chose due.
La guéguerre que mène la droite, par Conseil constitutionnel interposé, contre le gouvernement socialiste est une guerre en dentelles, les deux camps étant au service du même maître, le patronat. Elle est sans enjeu pour le monde du travail. Mais elle est révélatrice.
En particulier, elle montre que les travailleurs ne devront compter que sur eux-mêmes pour faire respecter leurs droits. Il n'est pas juste ni légitime en effet que le patronat dispose d'une totale liberté de licencier, en créant de nouveaux chômeurs. Pour faire cesser cette injustice criante, il faudra exiger et imposer l'interdiction des licenciements avec maintien intégral des salaires.
Il n'est pas acceptable non plus qu'une partie des salariés soient contraints de s'éreinter au travail, subissant des conditions de travail de plus en plus dures, tandis que d'autres sont au chômage. Il faudra, là encore, imposer que le travail soit réparti entre tous les bras valides, afin de ne pas laisser une partie de la classe ouvrière sans travail et sans revenu.
Et, face à ceux qui essayent de nous enfumer en prétendant qu'il n'y aurait pas d'autre choix possible, exigeons d'aller voir. C'est d'autant plus nécessaire qu'à l'évidence le patronat et ses complices mentent. Les grands patrons crient famine, alors que dans le même temps ils étalent une opulence stupéfiante et affichent des profits indécents. Il faut exiger et imposer le contrôle des comptes du grand patronat.
C'est sur de telles bases que le monde du travail peut imposer ses droits face à ceux que s'arrogent nos exploiteurs.
Cela suppose de créer un rapport de force. Mais, tout comme les adversaires du monde du travail ont un plan, soutenu par le gouvernement secondé par la droite, les travailleurs doivent avoir le leur.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 11 août