Le gouvernement n'en a pas fini avec les grèves25/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2395.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Le gouvernement n'en a pas fini avec les grèves

Après onze jours de grève, et face à un gouvernement décidé à passer en force, les cheminots ont commencé à reprendre le travail. Mais ils continuent de dénoncer, à juste titre, la réforme ferroviaire qui devait être adoptée mardi 24 juin à l'Assemblée nationale.

Les députés du PS devraient la voter comme un seul homme. Ils prétendront même avoir « entendu » les cheminots, en adoptant les quelques amendements des députés d'Europe écologie-les Verts et du Front de gauche.

Ces derniers, à moitié dans l'opposition, ont affirmé que, grâce à eux, la réforme est devenue meilleure et que les cheminots ont des garanties. Qu'ils votent pour ou contre n'y change rien : ils ont déjà apporté leur soutien au gouvernement.

Celui-ci pourrait même trouver des voix jusque dans les rangs de la droite. Autant dire que le vote de cette réforme sera une formalité.

Mais Hollande ne l'emportera pas au paradis. Face aux grévistes, le gouvernement s'est montré aussi dur qu'aurait pu l'être un gouvernement de droite. Aussi calomnieux et antiouvrier qu'il est servile et favorable au patronat.

Avec les cheminots, le gouvernement a refusé toute négociation, traitant les grévistes de privilégiés et d'irresponsables. Que l'on compare son attitude à celle qu'il a eue au même moment vis-à-vis de Bouygues, vrai privilégié s'il en est. Après un week-end de négociation sur le prix d'achat par l'État de ses actions dans Alstom, le gouvernement lui propose un pont d'or.

Bouygues va encaisser plusieurs milliards d'argent public, alors même qu'il supprime 1 500 postes dans la téléphonie. Mais personne ne dira de lui qu'il « coûte cher à la collectivité » ou qu'il prend la population « en otage » ! Il n'y aura pas contre Bouygues le déchaînement médiatique qu'il y a eu contre les cheminots.

Les stars de la télévision ont feint ne pas comprendre les motifs de la grève des cheminots. Mais ils se sont bien gardés de leur donner la parole ! Et, du haut de leurs 10 000 à 20 000 euros mensuels, ils ne se sont pas gênés pour faire la leçon à des travailleurs payés dix fois moins.

Dans cette grève, les grands médias comme le gouvernement sont apparus pour ce qu'ils sont : la voix de leur maître, la voix du grand patronat, hostile et hargneuse contre tous ceux qui contestent leur système.

La grève des cheminots les a enragés ? Oui, et c'est à l'honneur des grévistes qui ne se sont pas laissé impressionner. Envers et contre tout, les cheminots ont fait valoir leurs droits de travailleurs. Ils ont affirmé qu'ils n'étaient pas corvéables à merci et qu'ils n'accepteraient pas que l'on touche à leurs salaires ou à leurs repos. Ils peuvent en être fiers.

La tête haute, ils ont rappelé à tous les travailleurs cette vieille leçon : « Qui ne se bat pas est sûr de perdre ». Le rapport de force n'a pas suffi à faire reculer le gouvernement, mais ils ont choisi le seul moyen pour peser sur sa politique : les manifestations et la grève. Leur combativité force le respect.

Quant au gouvernement, il n'en a pas fini avec les cheminots. Comme il n'en a pas fini avec les travailleurs dans leur ensemble. Les cheminots ont été le premier gros contingent à se battre cette année. Dans le spectacle, les intermittents continuent leur combat. Mais il y en aura encore d'autres, car ni le patronat ni le gouvernement ne nous laissent d'autre choix.

Dans le privé, on ne parle pas de « réforme » mais de « plans de compétitivité ». À La Poste, on parle de « réorganisation », dans les hôpitaux de « restructuration », dans les collectivités locales de coupes budgétaires, avec les mêmes reculs sur les conditions de travail, l'emploi et les salaires.

Qu'on soit cheminot, ouvrier ou employé, on ne peut pas accepter que sa vie soit fichue en l'air pour une minorité richissime. On ne peut pas accepter de sacrifier l'avenir de ses enfants pour que la dette soit payée aux banquiers, alors même qu'ils menacent toute l'économie par leurs spéculations.

Si l'on ne veut pas se résigner au chômage de masse, à la généralisation du smic ou du RSA, il n'y aura pas d'autre choix que se battre. Mais cette lutte, il faudra la mener ensemble. Il faudra trouver le chemin d'une lutte réunissant les salariés du privé et ceux du public, ceux en CDI et ceux en CDD ou intérimaires.

Dans cette jungle qu'est la société capitaliste, on ne se fait respecter qu'en montrant sa force, et la force des travailleurs est intacte. Elle réside dans le fait que rien ne peut se faire, les voitures ne peuvent être fabriquées, les spectacles ne peuvent se tenir et les trains circuler sans que les travailleurs le veuillent. S'ils en prennent pleinement conscience, ils peuvent utiliser cette force pour imposer leurs exigences vitales.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 juin

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