La grève en direct, de nos correspondants25/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2395.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Travailleurs en lutte

La grève en direct, de nos correspondants

Lyon

Dans la région de Lyon, la grève a continué à être largement suivie jusqu'au vendredi 20 juin, jour où les responsables syndicaux, SUD-rail et CGT, ont proposé la suspension de la grève. Cela n'a pas empêché trois assemblées générales sur dix-huit de voter la reconduction jusqu'au samedi 21, et même jusqu'au lundi 23 juin.

Dans la dernière semaine de grève, les propos haineux du gouvernement à l'égard des cheminots ont renforcé la détermination des grévistes. Face aux mensonges des médias, les cheminots sont allés envahir les locaux de France 3. À défaut de commentaires objectifs sur leur grève, ils ont pu arracher quelques minutes d'interview d'un représentant de l'intersyndicale. Le lendemain, ils remettaient cela devant le siège du Progrès, le journal local, qui s'est senti obligé de publier enfin un article plus correct.

Le point d'orgue de la semaine a été une manifestation régionale, le jeudi 19, qui s'est terminée devant le conseil régional de Rhône-Alpes, où quelque 700 cheminots et des délégations syndicales de certaines entreprises lyonnaises ont appris que l'exécutif de la région approuvait chaudement la réforme.

Après huit ou neuf jours de grève, face à l'intransigeance du gouvernement, de nombreux grévistes discutaient des perspectives qui s'offraient à eux. Pour certains, la reprise était à l'ordre du jour. C'était évident au Technicentre d'Oullins et palpable dans d'autres secteurs. Mais d'autres grévistes, surtout après la manifestation réussie de la veille, envisageaient de passer le week-end et de reconduire jusqu'au lundi, voire au mardi 24 juin, jour du vote solennel à l'Assemblée. Ils voulaient montrer par là qu'ils n'étaient ni défaits ni démoralisés.

Cette discussion a eu lieu librement dans les assemblées de syndiqués CGT, où de fortes minorités ont voté pour la poursuite. Le secteur régional de la CGT avait pourtant diffusé son journal quotidien de la grève annonçant par avance sa fin. La discussion fut plus tendue dans certaines assemblées de grévistes, où des responsables de la CGT exigeaient une discipline de vote de leurs syndiqués, que tous ne respectèrent pas. À la Part-Dieu, la reconduction fut votée par 31 voix contre 27. À Saint-Étienne, c'est au contraire la reprise qui fut votée mais par seulement 62 voix contre 59, avec plus de 30 abstentions.

La grève terminée, les cheminots sont fiers de s'être opposés à ce gouvernement pour lequel beaucoup avaient voté et qui a montré son vrai visage antiouvrier.

Nantes

La grève contre le projet de réforme ferroviaire s'est installée au fil des jours, avec des taux de participation élevés dans certains services, comme à la traction, au contrôle, au matériel ou au tram-train.

Même si la reprise a été votée le vendredi 20 juin à l'issue de la traditionnelle assemblée interservices, « place de la lutte » en gare de Nantes, à une large majorité (151 pour et 22 contre), elle s'est faite avec la fierté d'avoir tenu tête au gouvernement et à la direction SNCF.

Même si les questions de l'embauche, des conditions de travail et de salaire n'étaient pas les objectifs donnés au mouvement par les directions syndicales, elles ont été posées à Nantes. Par deux fois, les grévistes ont interpellé leur direction régionale sur ces sujets, disant leur ras-le-bol de travailler toujours plus pour gagner moins, dans des conditions qui vont encore s'aggraver avec la réforme. La direction a finalement annoncé le 23 juin l'embauche de six CDD en CDI, un petit recul tout de même, à mettre sur le compte de la grève.

Pendant les neuf jours de grève et lors des différentes actions menées, ce qui a surtout marqué a été la présence des jeunes récemment embauchés, qui se sont montrés actifs et combatifs dans ce qui était pour eux une première grève.

La grève a aussi fait réfléchir sur le rôle du Parlement, où une poignée de députés peuvent décider de l'avenir de dizaines de milliers de cheminots. Comme l'a exprimé un cheminot, « la véritable démocratie, c'est nous, les travailleurs en grève, nous qui faisons tout fonctionner dans cette société ».

Le travail a repris avec le sentiment de s'être fait respecter et que, de ce fait, les neuf jours de grève ont servi.

Rennes

En Bretagne, chaque jour entre 500 et 290 cheminots se sont rassemblés, à Rennes, Quimper, Brest, Saint-Brieuc, mais aussi à Lorient, Auray, Morlaix et Saint-Malo.

Contrairement à ce qu'ont prétendu la direction et le gouvernement, la contestation a entraîné, à un moment ou à un autre, une majorité des cheminots de l'Exécution. Contrairement au fiel qu'ont répandu les médias, ils ont pu vérifier qu'une grande partie des usagers, souvent des travailleurs, les soutenaient.

Se retrouver aux piquets de grève et aux repas collectifs où se mélangeaient les différents services, participer aux tournées de chantiers, cela a renforcé les liens. Ce sentiment de cohésion, né de ces dix journées passées au coude à coude, tout comme les moments fraternels passés à discuter, cela, le patron ne pourra pas l'enlever aux cheminots, et cela nous servira pour les combats futurs !

Tours - Saint-Pierre-des-Corps

Au cours de la seconde semaine de grève, 150 grévistes sont allés en manifestation le 18 juin à la permanence du Parti socialiste. Le lendemain, les grévistes des deux assemblées générales, aussi nombreux que la veille, se sont donné rendez-vous en gare de Saint-Pierre-des-Corps pour manifester et se faire voir des usagers. Ensuite, toujours en cortège, ils ont traversé les bureaux de l'Infra log et l'Infra pôle tout en dialoguant avec les non-grévistes. Puis ils ont manifesté dans les ateliers du Technicentre, où travaillent près de 1 000 cheminots, les militants grévistes du site servant de guides. Ainsi, la plupart des autres manifestants ont découvert cet établissement et les ouvriers qui y réparent le matériel roulant. Ils ont pu y discuter, même s'ils n'ont pas pu convaincre les ouvriers qui avaient repris le travail de se remettre en grève.

À cette occasion, les cheminots se sont convaincus de l'utilité de rompre avec les habitudes syndicales de se plier aux découpages de la SNCF en établissements. Dans les luttes futures, ceux-là sauront retrouver le chemin du Technicentre.

Paris Austerlitz

Même si la grève se terminait dans la plupart des secteurs le jeudi 19 juin au soir, les grévistes de tous les services de la gare d'Austerlitz avaient envie de continuer, tout en se sachant minoritaires.

Vendredi 20 juin, la reconduction jusqu'à lundi 23 s'est donc faite à 75 pour, 7 abstentions et 0 contre. En tout début de semaine, il y avait encore 67 présents à l'assemblée, qui ont reconduit la grève jusqu'au mardi, avec comme objectif de se retrouver une fois encore en manifestation aux Invalides pour dire le refus de la réforme ferroviaire, alors même que celle-ci serait votée quelques centaines de mètres plus loin, à l'Assemblée. Les derniers grévistes entendaient dire aussi qu'ils en avaient assez de toutes les dégradations qu'ils constatent depuis des années concernant leurs conditions de travail. Les derniers grévistes n'ont repris le travail que le mercredi 25 juin.

Si pour le moment le gouvernement et la direction de la SNCF ne montrent aucun signe de faiblesse, bien des cheminots sont convaincus que leur grève rendra prudents leurs adversaires, au premier rang desquels se trouve le gouvernement.

La prochaine étape sera la modification de la réglementation du travail, avec la tentative de rallonger l'amplitude des journées de travail, d'aggraver les conditions du travail de nuit, de réduire le nombre de repos, de baisser les salaires en modifiant les modes de rémunération...

Les derniers grévistes sont convaincus que ceux qui ont repris le travail avant eux sont dans le même état d'esprit qu'eux. Autant dire que le gouvernement entendra encore parler des cheminots.

Paris Nord

Si l'assemblée générale du vendredi 20 juin avait rassemblé 140 grévistes à Paris gare du Nord, celles du lundi et du mardi suivants en regroupaient encore 70, alors que les médias annonçaient tout le week-end la fin de la grève.

Pour les grévistes présents, il n'était pas question de s'arrêter. La loi devant être votée le mardi 24, il était évident pour eux qu'il fallait continuer afin de se rendre encore une fois devant l'Assemblée nationale dire qu'ils ne voulaient pas de cette réforme. Même si chacun sentait bien que le mouvement se terminait et que la loi allait être votée, il était important de faire cette dernière démonstration.

Lundi 23, la majorité des présents ont donc voté la reconduction de la grève et appelé à une nouvelle assemblée générale le lendemain, puis à se rendre ensemble au rassemblement. La CGT n'y appelait pas, tout comme FO qui mettait comme préalable à sa participation l'unité syndicale.

Les grévistes savent qu'ils n'ont pas gagné, mais beaucoup sont fiers d'avoir fait cette grève et de pouvoir dire au gouvernement qu'il ne perd rien pour attendre.

Paris Saint-Lazare

Lundi 23 juin, alors que beaucoup de cheminots avaient repris le travail, il y avait encore cinquante grévistes à l'assemblée interservices de la gare Saint-Lazare, dont trente-huit qui ont voté la reconduction de la grève. Ils ne voulaient pas reprendre le jour du vote de la réforme. Ils ont tenu à continuer à se montrer et certains participeront aux rassemblements prévus ce jour-là.

Un point bilan a été fait sur la grève. En commençant leur mouvement, les grévistes savaient que ce ne serait pas facile, mais ils ne voulaient pas accepter sans réagir. Ils ne voulaient pas que leurs conditions de vie et de travail soient dégradées par une réforme faite sur mesure pour que les patrons du privé puissent être accueillis au mieux dans le transport ferroviaire.

Plusieurs grévistes ont marqué leur attachement à toutes les revendications, qui ont souvent été rappelées dans les assemblées et sur les tracts, à savoir leur opposition aux suppressions de postes, leur dénonciation des pressions de la hiérarchie et des fausses promesses de la direction, ainsi que leur volonté d'obtenir de meilleurs salaires.

Aucun des problèmes n'ayant cette fois-ci été résolu, les derniers grévistes ont commencé à parler de la prochaine grève, signe qu'à la reprise leur moral restait bon.

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