Espagne : L'abdication de Juan Carlos05/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2392.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : L'abdication de Juan Carlos

Juan Carlos, qui régnait en Espagne depuis la fin du franquisme, vient de passer la main à son fils Felipe VI. Malade, usé, impliqué dans des scandales financiers concernant son gendre et sa fille, empêtré dans des révélations concernant ses safaris dispendieux et des relations privées tapageuses, il n'était plus capable de servir d'arbitre au sein de la classe politique comme il l'avait été au lendemain de la mort de Franco, fin 1975.

À la fin de la dictature, les partis de droite comme de gauche qui se reconstituaient avaient fini par considérer Juan Carlos comme le seul capable d'arbitrer une situation délicate, marquée par les pressions de l'armée et les risques de mouvements sociaux. Le Parti communiste en particulier, après des années d'une courageuse et difficile lutte contre la dictature, au prix d'une répression sans pitié, avait fini par se rallier à la monarchie parlementaire, au grand désarroi de nombre de ses militants et sympathisants. Ce choix démoralisa des dizaines de milliers de militants politiques, de syndicalistes qui espéraient que le post-franquisme serait républicain. Les dirigeants du Parti communiste avaient accepté ce virage en contrepartie de la légalisation de leur parti. Cet alignement du Parti communiste sur les politiciens des partis de droite, du centre et de la social-démocratie lui coûta cher. Il ouvrit la voie aux dirigeants d'alors du Parti socialiste (le PSOE) qui devint le premier parti de gauche. C'est ainsi que le PSOE remporta les élections en 1982 et que Felipe Gonzalez devint chef du gouvernement.

Cette période de transition ouverte après la mort de Franco a profondément marqué le mouvement ouvrier espagnol. Le Parti socialiste (le PSOE) et le Parti communiste, ainsi que les syndicats qui leur sont liés, ont imposé à la classe ouvrière le cadre de l'État bourgeois dit démocratique et de ses institutions, en barrant d'avance la route d'une revanche contre la bourgeoisie qui lui avait imposé près de quarante ans de dictature.

Depuis, le Parti populaire de droite et le PSOE (Parti socialiste) pour la gauche ont alterné au pouvoir, menant l'un et l'autre la même politique au service du patronat et des banquiers. La royauté en place a servi de garant de la stabilité des institutions. Et c'est ce rôle que continuera d'avoir Felipe VI, quand il aura succédé officiellement à son père.

Au soir de l'annonce de l'abdication du roi, des dizaines de milliers de personnes, contentes de voir partir Juan Carlos, sont descendues dans les rues pour réclamer un référendum qui permettrait à la population de choisir entre le maintien d'un régime monarchique et la république.

On comprend que beaucoup en Espagne aient ainsi envie de jeter à la poubelle ce vieux fatras d'institutions réactionnaires et parasites. Mais ce ne sont pas ces personnages sans pouvoir réel qui tirent les ficelles du pouvoir. Aussi bien dans les régimes républicains que dans les régimes monarchiques, ce sont les capitalistes qui détiennent le pouvoir réel, par l'intermédiaire d'un personnel politique, de droite comme de gauche, fait de marionnettes interchangeables.

Le vrai problème n'est pas dans le type d'institutions mais dans la classe sociale dont le pouvoir politique défend les intérêts. L'expérience prouve que les politiciens républicains peuvent mener des politiques tout aussi réactionnaires et antiouvrières que n'importe quel potentat héréditaire, pour la défense des intérêts des capitalistes et de la bourgeoisie. Et c'est bien ceux-là qu'il faut renverser.

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