Il y a 20 ans, Rwanda, avril 1994 : Le génocide et la responsabilité de l'impérialisme français17/04/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/04/une2385.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Il y a 20 ans, Rwanda, avril 1994 : Le génocide et la responsabilité de l'impérialisme français

Le 6 avril 1994 débutait un des pires génocides de l'histoire, organisé et planifié par un régime dictatorial dont le gouvernement français était l'allié et le complice. À l'époque, François Mitterrand était président de la République, Édouard Balladur Premier ministre, Alain Juppé ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin son directeur de cabinet. La logique de la défense des intérêts impérialistes français les a alors amenés à soutenir un pouvoir qui a exterminé près d'un million de personnes et ils persistent, aujourd'hui encore, à nier leur responsabilité dans ces crimes.

Le 6 avril 1994, deux missiles abattaient l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, occasionnant sa mort. Celui-ci était arrivé au pouvoir en 1973 par un coup d'État, imposant une dictature qui forçait l'ethnie hutu à adhérer au parti présidentiel, tenant de sa suprématie, tandis que l'ethnie tutsi était soumise à des discriminations et des vagues régulières de violences étatiques. La mort d'Habyarimana servit de prétexte au déclenchement d'un génocide des Tutsis, mais aussi d'autres opposants, qui avait été préparé de longue date par le régime.

10 000 morts par jour durant cent jours !

Les massacres débutèrent simultanément dans presque tout le pays. Les opposants hutus au régime furent massacrés en premier, suivant des listes établies au préalable. Les milices Interahamwe, les partisans les plus extrémistes du régime, accompagnées de militaires rwandais, occupaient les rues des villes, formant des barrages, arrêtant les passants et séparant les Tutsis pour les tuer directement à coups de machette. Dans d'autres lieux, les autorités, des médecins, des enseignants, des prêtres, regroupaient les Tutsis dans des églises, des stades, des écoles, pour que les milices les exécutent. Les femmes étaient systématiquement violées, la plupart des victimes torturées avant d'être assassinées. En trois mois, 800 000 hommes, femmes et enfants furent assassinés. L'odeur de la mort envahit le pays, dont les rues et les routes étaient jonchées de cadavres.

Pendant trois mois, la radiotélévision libre des Mille collines, dite « radio machette », émanation du pouvoir, encouragea le massacre des Tutsis qualifiés de « cafards » et de « serpents ». Elle donnait régulièrement le nom et l'adresse des survivants pour finir ce qu'elle appelait le « travail ».

Sous la contrainte, soumise à la pression du racisme d'État distillé depuis des décennies, redoutant des représailles, une bonne partie de la population fut poussée à participer à ces massacres, même si bien des Hutus cachèrent et protégèrent leurs voisins au péril de leur propre vie.

La complicité du gouvernement français

Ces massacres n'ont pas été le fruit d'un coup de folie haineuse d'une partie de la population. Ils ont été méthodiquement préparés par un pouvoir qui avait fait de la haine ethnique la base de sa politique et que les gouvernements français ont soutenu, y compris dans ses atrocités.

Dès 1975, la France avait passé des accords avec la dictature rwandaise pour former sa gendarmerie. À partir de 1990, pour contrer l'avancée militaire du Front patriotique rwandais (FPR) formé par des Tutsis chassés à l'étranger, l'armée française formait, entraînait et armait massivement l'armée. Dès 1990, des massacres de Tutsis étaient perpétrés et les officiers français acceptaient sans problème de fermer les yeux. Pour tenter de se sauver, le pouvoir d'Habyarimana désignait de plus en plus les Tutsis comme des ennemis de l'intérieur. Il commençait à organiser des milices, établissait des listes de dizaines de milliers de personnes et même faisait marquer les maisons des opposants connus et des Tutsis. Tout cela avait lieu au grand jour. Plusieurs observateurs, dont les services secrets français, informèrent Paris des préparatifs du génocide.

C'est bien en toute connaissance de cause que l'État français continuait à soutenir ce régime. Car, aux yeux des hommes politiques français, le plus important était de maintenir la présence de leur impérialisme dans cette région et d'éviter l'installation d'un nouveau gouvernement qui aurait pu être plus proche de l'impérialisme anglo-américain.

La responsabilité de l'impérialisme

Le malheur de cette région de l'Afrique est d'être l'une des plus riches du continent, avec la présence abondante de minerais dans le Congo voisin. C'est pourquoi la concurrence entre impérialistes y fait rage depuis plus d'un siècle, les pires moyens étant utilisés pour parvenir à contrôler ces richesses. Des massacres de populations aux guerres coloniales et à la torture, cette domination a toujours rimé avec barbarie. Et, pour installer et maintenir leur oppression, les colonisateurs ont attisé les divisions entre populations, sans hésiter à distiller le poison de la haine ethnique.

Au Rwanda, les colonisateurs allemands, puis belges à partir de 1918, ont fabriqué de toutes pièces l'ethnisme. Avant leur arrivée, Tutsis et Hutus partageaient la même langue et formaient en fait un seul peuple, même si les Tutsis étaient au départ des pasteurs et les Hutus des agriculteurs. Les puissances coloniales s'appuyèrent sur ces différences sociales et inventèrent des ascendants européens aux Tutsis, selon leurs préjugés racistes, pour justifier la position dominante qu'ils leurs accordaient dans la société coloniale. En 1931, le colonisateur belge institua une carte d'identité, mentionnant une appartenance ethnique, pour figer les populations dans ces catégories.

Quand l'heure des indépendances sonna pour les peuples africains, les politiciens belges voulurent endiguer le nationalisme tutsi en plein développement. Ils changèrent leur fusil d'épaule et favorisèrent l'accession au pouvoir des Hutus. Avec ce revirement, ils espéraient transformer la lutte pour l'indépendance en guerre ethnique. Par la suite, le nouvel État qui vit le jour en 1962 fit de l'ethnisme une ressource politique, jalonnant son histoire de massacres périodiques. Malgré cela, la population rwandaise resta très mélangée, les mariages mixtes étant légion.

Puis, pour évincer la Belgique de la région, la France poursuivit la même politique... jusqu'au bout.

Le gouvernement français persiste et signe

À la mort d'Habyarimana, c'est dans les salons de l'ambassade française que se forma le nouveau gouvernement, dont le premier geste fut d'appeler à exterminer les Tutsis. Pour laisser les mains libres aux assassins, la France convainquit l'ONU de retirer la majorité des casques bleus présents. L'armée française fit évacuer ses ressortissants, et au passage la femme d'Habyarimana, connue pour ses positions extrémistes, qui fut accueillie en France avec les soins attentifs de Mitterrand. Durant ces trois mois d'horreur, les relations politiques et les visites diplomatiques ne cessèrent jamais entre les deux pays, ainsi que les livraisons d'armes et de fonds aux assassins.

Non seulement les officiers et les militaires français ont formé et entraîné les forces rwandaises qui participèrent au génocide, mais de nombreux survivants les accusent d'avoir été présents sur des barrages, d'avoir participé à la sélection des victimes, quand ce n'est pas d'avoir aidé les miliciens à traquer les réfugiés tutsis.

La complicité active du pouvoir français ne s'arrêta pas là. Quand, en juin 1994, la victoire du FPR devenait de plus en plus évidente, le gouvernement français décida d'une intervention prétendument humanitaire, l'opération Turquoise, pour tenter d'éviter la chute du régime. Grâce à cette intervention, les responsables rwandais du génocide purent être évacués vers des camps de réfugiés, dans lesquels les militaires français leur laissèrent les armes. Pour la défense de ses positions dans cette région, l'impérialisme français, en cherchant à sauver ce qui restait de l'appareil d'État rwandais, entamait le processus qui allait étendre la guerre et les massacres aux pays voisins, dont le Congo.

« Dans ces pays-là, un génocide, ce n'est pas trop important », a déclaré François Mitterrand en 1994. C'est avec cette tranquille assurance que les dirigeants de l'impérialisme français, même s'ils le nient aujourd'hui, ont encouragé et couvert le massacre de 800 000 personnes. Un génocide comme celui du Rwanda illustre le prix terrible payé par les peuples pour la domination du système impérialiste.

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