- Accueil
- Lutte ouvrière n°2383
- Turquie : Élections municipales Erdogan renforce ses positions
Dans le monde
Turquie : Élections municipales Erdogan renforce ses positions
Le parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), soutenu par une partie du patronat turc et par les grandes puissances occidentales, n'a obtenu que 27,9 % des voix. Le CHP était également soutenu, contre Erdogan et l'AKP, par la confrérie Gülen, une puissante secte religieuse aux multiples ramifications, y compris dans l'appareil d'État, justice, police, enseignement.
La crise au sein de l'appareil d'État, manifestation du conflit entre Erdogan et Gülen, dure depuis plus d'un an. Le chef des services de renseignements avait alors été convoqué par des juges proches de la confrérie. Erdogan s'y était opposé, déclarant que, par cet acte, c'est lui-même et son gouvernement qui étaient visés.
Le 17 décembre dernier, une grande vague d'arrestations visant les proches du gouvernement a eu lieu. Trois fils de ministres importants sont restés sous les verrous près de deux mois. Un des plus grands patrons du BTP a, lui, été incarcéré quelques jours. Depuis lors, de nombreuses révélations sur la corruption, les détournements de fonds ont fait scandale, en grande partie grâce aux réseaux sociaux relayés ensuite par les médias.
Certains espéraient que le gouvernement et l'AKP ainsi discrédités allaient être électoralement défaits le 30 mars, au profit du CHP, notamment à Istanbul et Ankara. Telle ne fut pas la réalité.
D'abord parce que le CHP s'est forgé, depuis Mustafa Kemal, la réputation d'un parti dont les dirigeants, une fois au pouvoir, gouvernaient par la répression et la torture. Le CHP, présenté comme défenseur des masses populaires, avait donc de ce fait peu de crédibilité. Par ailleurs, le candidat du CHP à Ankara est un transfuge d'un parti d'extrême droite, tandis que le candidat du CHP à Istanbul, Sari Gül, en avait été exclu il y a quelques années pour raison de corruption. Sa réintégration au sein du CHP s'était produite il y a quelques mois, au lendemain d'une rencontre officielle entre le leader du CHP et l'ambassadeur américain. Les États-Unis voudraient de toute évidence en finir avec le gouvernement Erdogan, qui ne respecte pas le blocus décidé par les impérialistes à l'encontre de l'Iran, ni leur attitude vis-à-vis du dirigeant syrien Assad.
Une autre raison du soutien dont continue de bénéficier Erdogan est l'augmentation des salaires. À son arrivée au pouvoir en 2002, la plupart des bas salaires, qui avoisinaient les 200 euros, ont été augmentés jusqu'à atteindre environ 400 euros en 2013. Le gouvernement AKP s'en est prévalu, allant même jusqu'à accuser le monde de la finance internationale, y compris les financiers turcs, de chercher à saboter l'économie turque dans le but de prendre le gouvernement en otage et de le faire fonctionner ensuite dans l'intérêt de Wall Street et de la City.
Après le résultat des élections, le gouvernement Erdogan est conforté dans son intention d'attaquer plus largement ses adversaires. Ainsi, le soir des élections, il s'est exprimé à Ankara devant une foule de supporters, accusant la confrérie Gülen de traîtrise et de complot contre son gouvernement, et déclarant : « Le peuple a aujourd'hui déjoué les plans sournois et les pièges immoraux. (...) Il n'y aura pas d'État dans l'État, l'heure est venue de les [les partisans de Gülen] éliminer. »
Ces résultats sont donc pour le gouvernement Erdogan une victoire, dans le conflit qui dure depuis plus d'un an à la tête de l'État, et qui n'en continuera pas moins. Mais, dans les deux camps qui s'affrontent, les travailleurs et la population n'ont ni amis ni intérêts propres à défendre.