Pérou : Le pouvoir soumis aux compagnies minières19/03/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/03/une2381.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pérou : Le pouvoir soumis aux compagnies minières

L'actuel président du Pérou, Ollanta Humala, s'était fait élire en 2011 sur un programme dénonçant, entre autres, la mainmise des multinationales sur les ressources minières du pays. Dans la campagne électorale, il avait bénéficié du fait que son adversaire, la fille de l'ex-président Fujimori, grand artisan de la privatisation sauvage, portait un nom vomi par les classes populaires. La presse avait voulu voir dans son succès électoral un renforcement de la « gauche » sud-américaine. N'était-il pas, comme Chavez, un nationaliste et un ancien militaire ?

Humala a commencé par choisir certains de ses ministres parmi ceux d'un de ses prédécesseurs. Il a donc conservé autour de lui des politiciens rodés à berner la population, ce qui augurait assez mal de sa volonté de changement. Quant à protéger les richesses minières de la convoitise des grandes sociétés d'exploitation impérialistes, il a carrément viré à 180°.

Pendant sa campagne, il avait dénoncé un projet d'extension de l'extraction de cuivre et d'or de la société Yanacocha, un consortium dominé par une multinationale américaine. Il avait dénoncé l'extraction d'or – le Pérou est l'un des cinq grands producteurs de ce métal précieux – et proposé de défendre l'eau, cette vraie richesse. Car ce projet d'exploitation allait se traduire par le déversement de dizaines de milliers de tonnes de scories de métal dans plusieurs lacs.

La société Yanacocha exploite déjà, depuis plus de vingt ans, une des plus grandes mines d'or d'Amérique latine près de la ville de Cajamarca, ce qui a déjà condamné plusieurs lacs. Sans compter qu'elle pompe neuf cents litres d'eau par seconde et contraint la ville à rationner l'eau potable de ses 280 000 habitants.

La population locale en rébellion contre cette compagnie espérait le soutien du président. Mais, cinq mois après son élection, Humala s'affichait partisan de l'eau et... de l'or. En réaction, la population a répondu par une grève générale et le président par l'état d'urgence, déployant l'armée. En juillet 2012, il a réaffirmé son soutien à la compagnie minière et les affrontements ont fait cinq morts et une trentaine de blessés dans la population.

L'an dernier, le président a vanté l'« industrie minière (...) levier du développement grâce à l'investissement privé ». En vingt ans, ces investissements ont été multipliés par quarante. Toutes les multinationales du secteur sont attirées par le boom des prix des métaux (or, argent, cuivre, étain, zinc et plomb). Cette industrie minière n'emploie qu'une faible partie de la population locale, en revanche elle détruit les ressources en terre et en eau, au point que, dans les régions rurales, le taux de pauvreté frise les 60 %.

Et, pour qu'il soit bien clair que le président est l'homme des compagnies minières, il a adapté la fiscalité à leurs exigences. Elles paient des impôts, non pas sur ce que leur rapportent les minerais sur le marché mondial, mais sur ce qu'il en coûte de les extraire, autant dire bien peu. Les compagnies ont aussi arraché l'obtention accélérée des permis miniers, la liquidation des protections des sites archéologiques et des délais réduits pour l'étude de l'impact écologique. Enfin, elles n'ont plus besoin de consulter les populations locales d'origine indienne.

Tout cela a exacerbé l'exploitation des ressources minières, mais aussi les réactions des travailleurs et des populations qui la subissent. Au point que la gendarmerie française vient maintenant former les policiers « au contrôle des multitudes » (sic !). La fameuse « école française », qui a déjà beaucoup fait dans le passé pour former à la torture et au meurtre les militaires des dictatures sud-américaines, continue donc de faire recette !

Quant à Ollanta Humala, c'est ce qu'on appelle ici un « président normal », c'est-à-dire un serviteur des possédants, nationaux ou étrangers, et un adversaire résolu des classes populaires.

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