Peter Hartz : Du conseil aux patrons aux conseils aux gouvernements05/02/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/02/une2375.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Peter Hartz : Du conseil aux patrons aux conseils aux gouvernements

Déjà reçu en décembre par François Hollande, Peter Hartz a rendu le 29 janvier une visite quasi officielle à des hommes politiques français de droite, de gauche et à des patrons, y compris Pierre Gattaz, le patron du Medef. Ces gens-là présentent Hartz comme un « expert » qui aurait des solutions face au chômage. Expert, il l'est d'une certaine manière.

DRH de Volkswagen dans les années 1990, Hartz créa une filiale où les travailleurs étaient payés moins que dans la maison mère, obtenant pour ce recul imposé à des milliers de travailleurs l'accord du syndicat IG Metall. Lui-même était membre du Parti social-démocrate (SPD) et de l'IG Metall. Le chancelier Gerhard Schröder (SPD) lui proposa ensuite de présider la commission devant élaborer des lois cassant le droit du travail et notamment le CDI. Ces lois qui portent son nom, Hartz I à IV, réduisirent radicalement la durée et le montant des indemnités de chômage et firent exploser précarité et pauvreté, avec l'apparition d'emplois payés un euro de l'heure.

Aujourd'hui, dix ans après, plus de 4,5 millions d'Allemands sont « Hartz IV » ou « hartzer », l'équivalent des RMIstes français. Peter Hartz dit détester que son nom soit ainsi utilisé pour « RMIste », il aurait sans doute préféré passer autrement à la postérité. Mais pour le reste il ne regrette rien, et quand des journalistes l'interrogent sur les mini-jobs à 450 euros par mois, il a la fausse naïveté d'expliquer qu'« un petit job est quand même mieux que pas de job du tout », alors que, par ses lois, de vrais emplois à temps plein et en CDI ont été massivement remplacés par des « petits jobs ».

Porté aux nues par Schröder en 2002, Hartz eut son heure de gloire, mais de courte durée : en 2005, il tomba lors d'un scandale de corruption. Pendant dix ans, lui qui élabora les modalités de contrôle et de flicage des travailleurs précaires, il avait fait verser un « superbonus » de 200 000 euros par an au représentant d'IG Metall chez Volkswagen, et près de 400 000 euros à la maîtresse de celui-ci. Il fut condamné en 2007 à deux ans de prison avec sursis et 576 000 euros d'amende. L'année où Hartz tombait, le chancelier Schröder, battu aux élections, rejoignait les affaires dans des conditions douteuses, devenant sans transition dirigeant d'une filiale du géant gazier russe Gazprom.

Depuis, plusieurs autres dirigeants politiques passés directement du gouvernement au fauteuil de dirigeants de grandes entreprises ont fait scandale. Le dernier du genre est Ronald Pofalla, l'un des principaux ministres du gouvernement de Merkel, CDU comme elle, qui en décembre 2013 a renoncé à ses hautes fonctions et qui en janvier 2014 s'apprête à devenir l'un des dirigeants de la Deutsche Bahn, la société des chemins de fer, pour 1,3 à 1,8 million d'euros par an.

Ces affaires finissent par être gênantes pour la classe politique, parce qu'il est trop visible que les gouvernants utilisent leurs fonctions pour tisser des liens personnels avec les dirigeants de l'économie en prévision de la suite de leur carrière. Plus généralement, c'est la proximité des deux milieux, et le rôle des politiciens en marionnettes zélées des capitalistes qui devient transparent.

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