Goodyear - Amiens : La fierté de s'être battus pendant sept ans29/01/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/01/une2374.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Goodyear - Amiens : La fierté de s'être battus pendant sept ans

La direction de l'usine et le syndicat majoritaire CGT ont signé l'accord sur les licenciements. Les indemnités extralégales sont de 20.000 euros pour un ouvrier ayant une année d'ancienneté, 50.000 euros pour 10 à 30 ans d'ancienneté et jusqu'à 67.500 euros pour 45 ans.

En cumulant les primes légales et en intégrant au calcul le salaire maintenu pendant deux années du congé reconversion, cela fait de 53.015 euros brut pour un an d'ancienneté à 107.263 euros pour 45 ans.

Toutefois, cet exemple de calcul établi par la direction lors des négociations se base sur une rémunération mensuelle moyenne de 2.575 euros brut, ce que sont loin de gagner, même en comptant les primes d'équipe, la majorité des ouvriers de l'usine. L'accord est diversement apprécié. S'il est ressenti par beaucoup comme le soulagement de ne plus avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, la situation est différente pour ceux qui sont près de la retraite et ceux qui vont devoir retrouver un emploi.

Retrouver du travail est presque mission impossible : la zone industrielle du nord d'Amiens a compté jusqu'à 30 000 ouvriers. Ils sont désormais moins de 10.000. La ville compte 14.000 chômeurs. Un quart des salariés de la commune sont en situation de précarité (CDD, intérim).

Des 2.700 emplois que comptait l'usine il y a une dizaine d'années, il ne restera pratiquement rien, et peut-être même rien du tout. Le groupe Titan, sous-traitant de Goodyear, a dit pendant la grève vouloir reprendre une partie de l'usine. Mais qui peut savoir si ce n'était pas pour faire accepter les licenciements. Et puis, le nombre évoqué pour les réembauches est passé de 500 à 300. Après avoir promis lors de la campagne présidentielle, de faire passer une loi contre les licenciements, Montebourg se vante à présent d'avoir contribué à préserver ces quelques centaines d'emplois. Il est maintenant surnommé localement le ministre du Dégraissement productif.

Les habitants de la ville paieront cette fermeture chèrement : avec toujours plus de jeunes qui chercheront en vain du travail, avec des commerces qui péricliteront, mais aussi avec une hausse des impôts locaux (déjà parmi les plus élevés du pays), car c'est deux millions de taxes que perd la commune avec cette entreprise qui périclite.

Les ouvriers n'ont reçu ni l'aide du gouvernement socialiste ni même celle des secrétaires de la CGT, Bernard Thibault et Thierry Lepaon, qui ont toujours refusé les invitations de la section syndicale locale à venir sur place les soutenir. Tout ce qu'ils ont gagné, il a fallu qu'ils l'arrachent par eux-mêmes. Depuis sept ans et le premier chantage de la direction (l'acceptation de conditions de travail dégradées ou les licenciements), ils se sont battus mais de façon isolée. Ils ont régulièrement fait des débrayages et des grèves. Ils ont bloqué pendant des semaines les stocks de pneus et occupé l'usine. Ils ont gagné sept années de sursis pendant lesquelles ils ont continué à toucher un salaire. Ils ont contraint les actionnaires à verser des primes de licenciement bien supérieures au minimum légal. À cela s'ajoute la fierté de ne pas avoir courbé l'échine, d'avoir gardé la tête haute face à la morgue patronale.

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