Éducation prioritaire : Une réforme de plus, mais toujours pas de moyens23/01/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/01/une2373.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Éducation prioritaire : Une réforme de plus, mais toujours pas de moyens

Le ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon vient de présenter une quinzaine de mesures censées améliorer le fonctionnement des écoles et des collèges constituant ce que le ministère appelle l'éducation prioritaire, où un élève sur cinq est scolarisé.

Lorsque ce dispositif a été créé, il y a plus de trente ans, il partait de l'idée qu'il fallait « donner plus à ceux qui ont moins » afin de combler l'écart existant entre les enfants des milieux pauvres et ceux des classes aisées. Mais dans la réalité, les moyens qui auraient peut-être permis d'atteindre ces objectifs n'ont jamais été mis sur la table. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'on constate régulièrement que l'écart entre les élèves de l'éducation prioritaire et les autres continue de se creuser. Pire même, comme l'a reconnu Vincent Peillon, un rapport de la Cour des comptes montre que « le système éducatif ne donne pas davantage à ceux qui ont moins, mais à ceux qui sont déjà bien pourvus ».

La réforme de Peillon risque fort d'aboutir à la même absence de résultats, tant les mesures annoncées sont insuffisantes et leur réalisation plus qu'aléatoire.

Le plan prévoit par exemple la scolarisation des enfants de moins de 3 ans dans chaque réseau d'éducation prioritaire, une mesure qualifiée de « puissant levier pour la réussite des élèves, notamment ceux issus des milieux les moins favorisés ». Mais l'objectif fixé est à peine d'atteindre 30 % de scolarisation dans cette tranche d'âge dans les écoles de l'éducation prioritaire, et encore en 2017. La majorité des enfants issus des quartiers populaires n'en bénéficieront donc pas.

L'affectation d'un maître supplémentaire annoncée dans chaque école en éducation prioritaire est certes une bonne chose, mais elle n'est prévue que pour la fin du quinquennat. Et pour que cet enseignant puisse vraiment, comme le dit le ministère, « accompagner les apprentissages par des pédagogies différenciées », encore faudra-t-il qu'il ne soit pas mobilisé à combler les arrêts maladie non remplacés dans l'école.

Le temps de concertation prévu pour les enseignants correspond lui aussi à une nécessité, mais rien n'est dit sur la manière dont il sera mis en oeuvre concrètement.

Quant à l'augmentation des primes censée aboutir à la stabilité des équipes éducatives dans les zones d'éducation prioritaire, il y a peu de chances qu'elle atteigne son objectif. Aujourd'hui, 70 % des enseignants de l'éducation prioritaire ont moins de cinq ans d'ancienneté et il y a deux fois plus de précaires qu'ailleurs. Cela est dû à la pénibilité du travail avec des élèves difficiles. Pour que les enseignants ne partent pas dans des écoles ou des collèges plus calmes dès qu'ils le peuvent, il faudrait avant tout que l'ambiance change dans leurs établissements, ce qui nécessiterait une augmentation massive du nombre d'enseignants et de tout le personnel encadrant les élèves.

Rien ne dit donc que la réforme de Peillon améliore plus que les précédentes la situation dans les écoles et les collèges en éducation prioritaire. Mais il est certain par contre que les éventuels moyens supplémentaires seront pris sur les autres établissements, le budget global prévu pour l'Éducation nationale n'étant pas augmenté pour mettre en oeuvre les mesures annoncées. Il ne pourra donc s'agir que de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Or les établissements qui ne font pas partie de l'éducation prioritaire sont loin d'être tous fréquentés par une population favorisée. Dans bien des banlieues, il est même difficile de voir les différences.

Il faut d'ailleurs remarquer que le ministère entreprend une diminution du nombre d'établissements classés en éducation prioritaire, ce qui va plonger des établissements dans de nouvelles difficultés, notamment parce que le nombre d'élèves par classe pourra y être augmenté.

Quoi qu'en disent Hollande et Peillon, l'éducation n'est pas pour eux une priorité, et pas plus celle de l'éducation prioritaire que du reste des établissements.

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