Ukraine, ex-URSS et Europe : L'Union européenne n'a rien à offrir28/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2365.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine, ex-URSS et Europe : L'Union européenne n'a rien à offrir

Des manifestations ont eu lieu en Ukraine, à l'approche du sommet de Vilnius les 28 et 29 novembre en Lituanie, qui devait concrétiser le « partenariat oriental » de l'Union européenne. En l'occurrence, il s'agissait d'arrimer à cette Union, en les associant mais sans les intégrer, six États issus de l'éclatement de l'Union soviétique en 1991 : l'Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Négocié depuis cinq ans, décrit cet automne comme proche de sa conclusion, le contrat de libre-échange proposé par Bruxelles ne sera finalement pas signé par la plupart des pays courtisés, l'Ukraine notamment.

Les dirigeants européens, tel Hollande, qui avaient prévu de se rendre à Vilnius pour s'y targuer d'un succès, avaient vendu la peau de l'ours russe un peu trop tôt. Et c'est lui que maintenant gouvernants et médias ouest-européens vilipendent à tout-va.

Ils avaient présenté, en s'en félicitant, l'Ukraine comme une future prise de choix dans la lutte d'influence qui oppose les puissances occidentales à la Russie dans l'espace ex-soviétique. Mais, depuis que le président ukrainien Ianoukovitch a annoncé qu'il ne signerait pas, la presse est repartie sur le sentier de la guerre froide. Elle fustige la reculade de Kiev face à Moscou et tresse des couronnes aux manifestants proeuropéens, en fait nationalistes, qui exigeaient la démission de Ianoukovitch, comme lors de la « révolution orange » de 2004.

L'ours et ses pressions

Pour expliquer le fiasco de leur « partenariat oriental », les dirigeants européens mettent en cause les pressions de Poutine sur un Ianoukovitch qui, bien que réputé prorusse, multipliait ces derniers temps les oeillades en direction de l'Ouest.

Moscou n'a certes pas lésiné sur les moyens pour « convaincre » ses voisins de rejeter la proposition de Bruxelles. Pour montrer à Kiev ce qu'il lui en coûterait de céder aux avances européennes, la Russie a relevé le prix du gaz qu'elle lui fournit. Premier partenaire commercial de l'Ukraine, elle lui a aussi fait la « guerre du chocolat ». Ce produit, la Russie l'importe d'Ukraine en grandes quantités (450 000 tonnes par an) depuis longtemps. Mais, cet été, elle l'a déclaré suspect d'être cancérigène et, du coup, les douanes russes ont bloqué à la frontière toutes les confiseries venant d'Ukraine.

Pour les mêmes raisons, le Kremlin a aussi menacé la Moldavie et l'Arménie d'un fort relèvement du prix de leur approvisionnement en gaz. En guise d'avertissement supplémentaire, Moscou a aussi livré un gros contrat d'armement à l'Azerbaïdjan, avec lequel l'Arménie est à couteaux tirés depuis plus de vingt ans autour de la province disputée du Haut-Karabakh.

Quant à la Lituanie, pays balte ex-soviétique hôte de ce sommet européen hantise du Kremlin, elle a subi un blocus de ses exportations de produits laitiers vers la Russie, son principal débouché en ce domaine.

Le « partenariat » du renard avec le poulailler

Les dirigeants ukrainiens répètent que seules des raisons économiques leur ont fait rejeter l'accord. Mais en effet, vingt-deux ans après la fin de l'URSS, les liens entre ses anciennes parties constitutives sont loin d'être tous brisés. Une intégration économique poussée et la répartition de la production à l'échelle du plus vaste pays de la planète avaient permis à l'URSS de se construire et de se développer. Cette interdépendance, aspect majeur des relations entre ces pays et du fonctionnement de chacune de leurs économies, n'a pas été balayée d'un trait de plume quand les chefs de la bureaucratie russe, ukrainienne et biélorusse ont paraphé l'acte de décès de l'URSS, fin 1991.

Depuis, on a assisté à la mise en pièces de l'économie de l'ex-URSS par les bureaucrates mafieux et les nouveaux bourgeois. Mais, face à cela, les grandes puissances impérialistes n'avaient rien d'autre à proposer, pour ranimer l'économie du pays, que d'ajouter au pillage de ses richesses par les parasites du cru un pillage à plus vaste échelle par les groupes financiers et industriels occidentaux.

Déjà présents en ex-URSS dans le commerce, la banque, l'agro-alimentaire, l'automobile, les trusts européens voulaient, avec cet accord de libre-échange, que les pays signataires s'ouvrent en grand à leurs appétits et marchandises. C'est une escroquerie de parler de réciprocité à ce sujet : ayant ouvert leur propre marché, ces pays n'auraient pas eu les moyens de pénétrer les marchés ouest-européens. Pire, l'harmonisation prévue des législations entre ces pays et les 28 aurait eu pour effet de briser les imbrications étroites, vestiges de l'époque soviétique, entre les économies de ces pays et celle de la Russie.

En échange, l'Union européenne n'avait rien à donner, ni même à promettre. Il n'était pas question de l'intégration, même à terme, de ces pays à l'Union européenne. Permettre à leurs citoyens de circuler librement à l'Ouest, il n'en était pas question non plus. D'ailleurs, même des pays membres de l'Union européenne, comme la Bulgarie et la Roumanie, restent soumis à de fortes restrictions en la matière.

Saignée à blanc par l'implosion de l'URSS et le pillage de ses ressources par les privilégiés locaux, l'Ukraine risque « au cours des prochains mois », constate le Washington Post, de se retrouver « en défaut de paiement » et « aura besoin d'une aide financière d'urgence ». Mais l'Union européenne n'a rien à lui offrir de mieux, si l'on peut dire, que le sort réservé par les banquiers français et allemands à la population grecque !

La Russie de Poutine a, pour bien des raisons, été un repoussoir pour les dirigeants et en tout cas l'opinion publique d'Ukraine, de Moldavie, etc. Mais en fin de compte, la plupart des États concernés ne vont pas donner suite pour autant au partenariat inégal proposé par l'Union européenne. Ils vont peut-être même se tourner vers l'union douanière, pâle substitut à feu l'URSS, que Poutine tente de former autour de la Russie. Le Kremlin peinait à y parvenir. Mais il aura été grandement aidé par l'incapacité de l'Union européenne, comme celle de tout le monde impérialiste, à proposer une quelconque perspective de développement aux peuples, et même à leurs dirigeants les mieux disposés.

Partager