Iran - États-Unis : Derrière l'accord sur le nucléaire, les calculs des dirigeants américains28/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2365.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Iran - États-Unis : Derrière l'accord sur le nucléaire, les calculs des dirigeants américains

L'accord qui vient d'être conclu à Genève entre les grandes puissances et l'Iran prévoit un allégement des sanctions pesant sur ce pays. L'Iran promet en contrepartie de réduire son programme nucléaire. Même si les sanctions sont loin d'être complètement levées, cet accord, que les dirigeants iraniens appelaient de leurs voeux, n'a été possible que grâce à une modification de la politique américaine. L'Iran est passé du statut d'ennemi irréductible à celui d'éventuel allié.

Depuis la révolution qui a renversé le chah en 1979, la politique des USA vis-à-vis de l'Iran s'était résumée à la volonté d'isoler et si possible de renverser le régime. Alors que le chah était un des piliers de la politique américaine au Moyen-Orient, Khomeyni et ses successeurs voulaient affirmer leur autonomie vis-à-vis des intérêts occidentaux. C'est cela qui suscita l'hostilité ouverte des USA, beaucoup plus que les aspects moyenâgeux du régime islamique, dont ils savent s'accommoder chez d'autres alliés. La population iranienne paya au prix fort cette hostilité. La guerre déclenchée par l'Irak, avec le soutien des USA, pour renverser le régime iranien dura huit ans et fit plus d'un million de morts. La volonté de Téhéran de développer un programme nucléaire servit ensuite de prétexte aux dirigeants américains pour imposer des sanctions économiques entraînant des privations pour la population. Rien de tout cela n'a mis à genoux le régime, et c'est finalement la leçon de cet échec que tire aujourd'hui Barack Obama en signant cet accord.

L'infléchissement de la politique américaine est d'autant plus opportun pour les États-Unis qu'ils sont aujourd'hui empêtrés dans un bourbier dont ils ne peuvent espérer se sortir par une nouvelle aventure militaire. Leur intervention armée en Irak y a créé une situation qui échappe à tout contrôle, et la Syrie est en proie à une guerre civile aujourd'hui sans issue. Barak Obama tente donc de mettre en place une nouvelle alliance, avec l'Iran mais aussi avec la Russie, pour tenter de rétablir un certain équilibre dans cette région du monde vitale pour l'impérialisme. Après l'accord sur le nucléaire iranien, un accord pour mettre fin à la guerre civile syrienne est en chantier.

Les dirigeants iraniens se sont montrés prêts. Depuis son élection en juin dernier, le nouveau président Rohani se présente comme un partisan de l'ouverture vis-à-vis de l'Occident. Avant même l'accord de Genève, il s'est montré soucieux de multiplier les signaux dans ce sens, notamment lors de son intervention à la tribune de l'assemblée générale des Nations unies en septembre. À cette occasion, il a tenu à faire une large publicité à sa conversation téléphonique avec Barak Obama, une première entre des présidents américain et iranien depuis le renversement du chah.

L'accord de Genève est un pas dans la direction de cette nouvelle alliance, même si on ne peut encore dire s'il sera suivi d'autres. Les oppositions à cet infléchissement de la politique américaine sont en effet nombreuses. Aux USA mêmes, certains hommes politiques parlent au contraire de nouvelles sanctions. À l'extérieur aussi, parmi tous les alliés des USA, on trouve Israël au premier rang parmi ceux qui craignent de faire les frais de ce rapprochement. On peut cependant remarquer que les grands trusts américains et européens, eux, prennent l'affaire au sérieux et se positionnent déjà activement en vue de reprendre pied dans un pays dont ils étaient écartés par les sanctions occidentales.

Dans tous ces calculs diplomatiques et économiques, la question du nucléaire dont on nous rebat les oreilles depuis des années apparaît au grand jour pour ce qu'elle a toujours été : un simple paravent.

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