Patrons et salariés : Des intérêts incompatibles13/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2363.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Patrons et salariés : Des intérêts incompatibles

Si le gouvernement a partiellement reculé en annonçant la suspension de l'écotaxe, ce n'est pas qu'il jugeait cette taxe injuste. Tout en frappant un peu les grosses sociétés, elle aurait frappé surtout les consommateurs sur lesquels aurait été répercutée l'augmentation. Elle aurait aussi étranglé les petits transporteurs et des artisans de différentes catégories.

Le gouvernement, qui s'apprêtait donc à exécuter une décision pourtant prise par Sarkozy-Fillon, a reculé. Et c'est seulement après sa reculade et devant l'attaque de la droite, à l'origine de cette taxe, que l'on a appris qu'en cas d'abandon du projet les contribuables auront quand même à payer un milliard à la société Écomouv'.

Le gouvernement a cédé surtout parce qu'il a eu peur que la révolte contre cette écotaxe soit contagieuse, d'autant qu'elle rencontrait d'autres colères, principalement celle des travailleurs menacés de licenciement. Et comme les licenciements, les fermetures d'usines ne sont pas une spécificité bretonne, la contagion est toujours possible.

Le mouvement et la manifestation de Quimper ont illustré la prétention des patrons d'entreprises du transport, des licencieurs de l'agroalimentaire et ceux de la distribution à se poser en défenseurs de l'emploi. Ces gens-là sont pourtant non seulement les ennemis directs des salariés mais aussi de tous ceux, artisans, petits paysans, pêcheurs, qui vivent de leur travail mais sont étranglés par les banques et écrasés par les capitalistes de l'agroalimentaire et de la grande distribution.

Le patronat local a entonné l'air de la défense de la Bretagne délaissée, en brandissant le drapeau breton comme symbole d'une prétendue unité d'intérêts entre toutes les classes sociales. C'est une escroquerie !

Car qui se prépare à réduire à la misère les travailleurs de l'agroalimentaire si ce n'est les capitalistes du secteur ? Et à la tête de ces groupes se trouvent des familles et des regroupements de riches bourgeois, bien bretons, bien français.

On n'est pas du même bord

Un des plus importants est le groupe Cecab qui a piloté des fermetures, dont celle de l'abattoir GAD. La Cecab est une coopérative, en l'occurrence un regroupement de patrons, devenue une multinationale de l'agroalimentaire. Ses patrons, d'anciens gros cultivateurs bretons, ont construit leur fortune grâce, entre autres, aux aides de Bruxelles. Le groupe, entre autres propriétaire de la marque Daucy, est un des leaders mondiaux des conserves alimentaires. Ces patrons « bretons » sont en train de fermer une de leurs usines en Bourgogne, comme ils en ont fermé d'autres en Picardie ou en Bretagne. De façon constante, la Cecab achète, prend des participations, ouvre, ferme des usines, s'étend à l'étranger et en particulier en Europe de l'Est (Pologne, Hongrie, Russie). Tous ces choix se font avec un seul objectif : toujours plus de profits, et qu'importe à ces patrons si cela se fait au détriment des travailleurs et des milliers de petits paysans qu'ils acculent à la ruine, après les avoir pressurés à travers leur contrat dit d'exclusivité.

Parmi les organisateurs de la manifestation de Quimper, il y avait le président du Medef de Bretagne, un proche de Pinault et Bolloré, deux grands capitalistes qui, du fait de leur origine, sont mis en avant comme symboles de la Bretagne.

Il ne faudrait pas non plus oublier la grande distribution, avec la famille des Leclerc qui a appuyé le rassemblement de Quimper, ainsi qu'Armor Lux, cette entreprise textile « bretonne » qui délocalise la plus grande partie de sa production et... vend à tout-va, avec bénéfice, les bonnets de la fronde anti-taxe.

Les travailleurs de Bretagne, ceux de l'agroalimentaire mais aussi ceux de PSA à Rennes, d'Alcatel et d'autres entreprises, ont comme adversaires ceux que l'on présente aujourd'hui comme leurs alliés. Les appels à l'union de toute la Bretagne ne sont jamais qu'une variante des appels à l'union nationale, qui soumet les travailleurs au patronat, c'est-à-dire à leurs exploiteurs.

Les travailleurs doivent au contraire avoir leur propre programme, une condition nécessaire pour qu'ils puissent entraîner d'autres catégories sociales, victimes elles aussi du système capitaliste.

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