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Dans le monde
Russie : Affairistes amnistiés, contestataires emprisonnés
Une des Pussy Riot, internée en camp pour avoir chanté une « prière punk » anti-Poutine durant la présidentielle de 2012, a dû être hospitalisée durant sa grève de la faim : elle protestait contre le quasi-esclavage auquel on soumet les détenues. Quant aux 27 manifestants, souvent proches de l'extrême gauche, arrêtés pour avoir dénoncé, à Moscou le 6 mai 2012, le régime du président russe comme celui « des escrocs et des voleurs », ils restent depuis en prison sans procès.
Adepte proclamé de la répression, Poutine sait aussi ouvrir les portes de ses prisons, et en grand. La Douma (Chambre russe des députés) vient d'annoncer qu'en vertu d'une amnistie votée cet été on venait de libérer 307 détenus et de lever les charges contre 714 inculpés. « Le rythme est lent, a précisé un député chargé de veiller à l'application de l'amnistie, en raison du grand nombre d'affaires que les tribunaux doivent réexaminer. »
Malheureusement, les militants d'extrême gauche, les Pussy Riot ou les membres de Greenpeace ne peuvent espérer bénéficier de cette loi. En effet elle réserve sa clémence aux auteurs de délits économiques.
Outre l'accaparement des biens et entreprises de l'État, légalisé par les lois de privatisation des années 1990, et les nombreux règlements de comptes sanglants entre bureaucrates-affairistes auxquels cela a donné lieu jusqu'à récemment, le détournement de fonds publics, l'escroquerie, le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale, les trafics en tout genre, la corruption de fonctionnaires... forment la trame de la vie économique russe depuis une vingtaine d'années. Ce genre d'activité criminelle est en effet le meilleur moyen de s'enrichir en ex-URSS, en tout cas le plus rapide.
Du coup, les hommes d'affaires et les détenteurs d'une quelconque parcelle d'autorité – et, du policier de base au juge ou au gouverneur, cela fait du monde – sont tous susceptibles d'avoir maille à partir avec la justice. Pour cela, il suffit d'avoir déplu à qui représente l'autorité ou de croiser un rival qui dispose d'appuis plus puissants.
Poutine a voulu cette amnistie afin « d'améliorer le climat des affaires ». En clair, il a souhaité faire un geste à destination d'une foule de membres de la petite ou moyenne bourgeoisie russe qui pourrait ne plus soutenir autant le régime. Après tout, fin 2011, les petits patrons de Moscou n'avaient pas été les derniers à manifester dans la rue leur mécontentement face à la fraude électorale.
Avec cette loi, le Kremlin essaye aussi de rassurer les représentants des firmes occidentales. Car s'ils lorgnent sur de possibles bons coups en Russie, tous ne se pressent pas de s'y lancer, effrayés qu'ils sont de la manière expéditive que leurs partenaires locaux ont de faire intervenir juges et policiers pour trancher des différends d'affaires.
Selon un représentant du Kremlin, cette amnistie économique concerne plus de 100 000 personnes, dont 13 500 détenus. Cela peut sembler énorme, et pourtant le bénéfice de cette loi ne s'applique qu'aux individus dont c'est la première condamnation. En tout cas, cette loi confirme à sa façon que ce régime est bien celui des escrocs et des voleurs.