Non à la liberté d'exploiter !10/10/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/10/une2358.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Non à la liberté d'exploiter !

Avec l'ouverture dimanche 6 octobre d'un grand nombre de leurs magasins, Castorama et Leroy-Merlin ont maintenu la pression sur le gouvernement pour obtenir l'autorisation permanente d'ouvrir le dimanche. Il s'agit là d'une vaste campagne de propagande patronale, dont le but n'est pas de simplifier la vie des bricoleurs du dimanche mais de faire passer l'idée que le patronat doit avoir le droit, si les affaires et le commerce l'imposent, d'ouvrir en tout lieu et en tout temps. L'enjeu dépasse Castorama et Leroy-Merlin, d'autant qu'ils se débrouillent déjà très bien pour ouvrir ce jour-là, avec mille et une dérogations. L'enjeu, c'est le droit pour le patronat de faire ce qu'il veut, quand il veut, avec ses salariés.

La question pour les travailleurs n'est pas de savoir s'il est pratique ou non de pouvoir faire ses courses le dimanche, mais de savoir si l'on accepte d'être malléable et corvéable à merci.

Bien des salariés travaillent déjà le dimanche, dans les hôpitaux ou dans les transports, mais c'est une nécessité sociale. Par contre, rien ne justifie de sacrifier ses loisirs, son repos et sa famille au nom de la rentabilité patronale. En tant que salarié, le travail dominical est un sacrifice et cela doit suffire pour dire non à sa généralisation.

Le patronat, Medef en tête, en profite pour mener une campagne idéologique contre les syndicats et contre les travailleurs qui voudraient lui résister. Il faut que les travailleurs répondent à cette campagne et opposent à la propagande patronale leurs revendications et leurs intérêts. Pour un salarié invité sur les plateaux de télévision afin d'y défendre le droit de travailler le dimanche, combien subissent le chantage patronal, combien résistent et sont forcés de se taire pour ne pas perdre leur emploi ? Les salariés « volontaires » l'expliquent eux-mêmes. S'ils demandent à passer leur dimanche à vendre du matériel de bricolage, c'est qu'ils y sont poussés par la nécessité. C'est qu'ils ont besoin de ces 200 ou 300 euros pour joindre les deux bouts !

Comme les heures supplémentaires ou le travail de nuit, le travail du dimanche n'a rien à voir avec le volontariat : c'est pour les travailleurs sous-payés une situation imposée par leur entreprise ou par leurs salaires de misère. Salaires de misère que l'on trouve justement chez Sephora, marque du groupe de luxe LVMH de Bernard Arnault, première fortune française, ou chez Leroy-Merlin qui appartient à la famille Mulliez, troisième fortune du pays. Ce n'est pas un hasard. Les actionnaires sont d'autant plus riches que les employés sont mal payés et mal traités, harcelés pour faire du chiffre, contraints aux temps partiels. Si le patronat de la distribution obtient que se généralise le droit d'ouvrir le dimanche, l'exception deviendra la règle et les majorations du dimanche ou de nuit, l'exception. Quant au prétendu volontariat, il n'en restera rien.

Dans sa propagande, le patronat nous sert, comme toujours, l'argument de l'emploi et de la croissance. Quelle hypocrisie ! Un bricoleur ne renoncera pas à l'achat d'une perceuse parce que son magasin ferme un jour par semaine. Quant au chiffre d'affaires réalisé le dimanche par les magasins qui ouvriront, il sera perdu par d'autres, plus petits, car ce n'est pas l'ouverture des magasins ce jour-là qui fera que les travailleurs auront plus d'argent à dépenser ! La campagne pour le travail du dimanche masque une campagne pour la liberté d'exploiter sans entrave. C'est devenu le symbole du combat entre les travailleurs, qui veulent préserver leurs droits, et le patronat, qui veut les démolir un à un.

Le comble est que ce grand patronat rapace et cynique mène sa campagne au nom de la « liberté du travail ». Mais qui est libre de travailler ou de ne pas travailler dans cette société ? Sûrement pas les 5 millions de femmes et d'hommes réduits au chômage, qui cherchent désespérément un travail. Pas les anciens, licenciés ou poussés dehors à quelques trimestres de leur retraite, pas les nombreuses employées à temps partiel qui rêvent d'un temps complet, ni les CDD, ni les intérimaires. Et une fois dans l'entreprise, quelle liberté reste-t-il ? Sûrement pas celle de choisir les jours et les horaires travaillés. Non, il n'y a pas de « liberté du travail », la seule liberté qui s'impose dans la société capitaliste est la liberté d'exploitation.

À nous de la combattre pour nos libertés et nos droits : le droit à un travail et à un salaire décent ; le droit de ne pas passer sa vie à se faire exploiter ; le droit des travailleurs à profiter des richesses de la société, qu'ils sont les seuls à créer !

Éditorial des bulletins d'entreprise du 7 octobre

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