Logement : Une loi qui ne résoud rien11/09/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/09/une2354.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Logement : Une loi qui ne résoud rien

Encadrer les loyers, tel est l'objectif principal de la loi sur le logement que présente Cécile Duflot à l'Assemblée nationale. Cela a suffi pour faire monter sur leurs grands chevaux tous les profiteurs de l'immobilier et les députés qu'ils influencent. À les entendre, une telle mesure serait « une punition pour les investisseurs ». Il est vrai que, le logement n'étant pour eux qu'un investissement, la moindre contrainte leur semble insupportable. Pourtant cette loi, même adoptée, n'écornera qu'à la marge leurs profits et résoudra encore moins les problèmes de tous ceux qui doivent se ruiner pour avoir un toit sur la tête.

Il y est prévu qu'à la relocation ou au renouvellement du bail le nouveau loyer ne pourrait désormais dépasser 20 % d'un « loyer médian de référence ». Celui-ci sera fixé par un observatoire public, qui épluchera les données des agences immobilières. Ce dispositif n'empêchera pas les propriétaires d'augmenter le loyer jusqu'à ce maximum, profitant comme avant de l'absolue nécessité où se trouvent les familles d'obtenir un logement.

Les associations de locataires dénoncent aussi l'instauration d'un loyer minimum qui sera de 30 % inférieur au loyer médian. Ce seuil pourrait inciter les propriétaires à augmenter les loyers qui se trouvent en dessous, ceux qui n'ont pas suivi la flambée de ces dernières années. Au bout du compte, rien ne dit que les locataires les plus pauvres tireront avantage de l'ensemble du dispositif.

Ce système serait mis en place en juin 2014 dans dix-neuf agglomérations, comme Paris, Lille, Lyon ou Marseille, avant d'être étendu à 70 % du parc locatif privé.

Un autre aspect de la loi est l'instauration d'une garantie protégeant les propriétaires contre les impayés de leurs locataires. L'objectif est d'inciter les propriétaires à louer, et aussi à ne plus réclamer les invraisemblables garanties qu'ils exigent aujoud'hui, en termes de revenus ou de caution. Cette assurance sera payée moitié par le propriétaire et moitié par le locataire, et le gouvernement l'estime à 2 % du loyer. Si le pilotage sera assuré par un établissement public, rien ne dit que la gestion des fonds récoltés ne sera pas en définitive aux mains des assureurs privés, qui assurent déjà ce service auprès des agences immobilières. La loi prévoit en effet que l'établissement public en question pourra « administrer le dispositif soit directement, soit par le biais d'opérateurs ». D'autre part, cette garantie n'empêchera nullement les expulsions pour impayés. Le fait que le propriétaire soit assuré de toucher l'équivalent du loyer n'implique en rien que le locataire en difficulté évite une procédure d'expulsion.

Entre le projet de loi et l'application sur le terrain, bien des modifications sont possibles, et le lobby de l'immobilier multiplie les pressions à tous les niveaux. Cette loi ne suffira évidemment pas à réguler le marché de l'immobilier, comme le prétend Cécile Duflot. Mais, surtout, tant que le nombre d'habitations sera insuffisant dans les grandes zones urbaines où se concentre la population ouvrière, les propriétaires pourront imposer leur volonté. Les loyers élevés, les logements peu reluisants trouveront toujours preneur, car il faut bien avoir un toit sur la tête, quitte à ne pas faire valoir ses droits.

Pour mettre fin à l'angoissant problème du logement pour les familles populaires, l'État devrait, non pas « réguler le marché du logement », mais arracher à la loi du profit ce bien indispensable, en commençant par prendre lui-même en main la construction des logements populaires indispensables.

Partager