Brétigny : Une catastrophe annoncée18/07/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/07/une2346.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Brétigny : Une catastrophe annoncée

Il faudra sans doute des semaines, des mois d'investigations, pour déterminer la raison exacte pour laquelle une éclisse s'est désolidarisée du rail, entraînant la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, la catastrophe ferroviaire la plus grave depuis vingt-cinq ans. Mais il n'y a pas besoin d'une triple enquête, de la SNCF, de la justice et du ministère des Transports, pour mettre en cause la vétusté des infrastructures et du matériel des chemins de fer.

Si la cause immédiate du déraillement était accidentelle, c'était quand même un accident annoncé. Les cheminots le craignaient. Et pour cause ! L'administration de RFF (Réseau ferré de France) elle-même parle « d'usure des rails, des ballasts ». « 60 % du réseau seront inutilisables à l'horizon 2025 », assure un organisme spécialisé.

Les usagers du chemin de fer, en particulier ceux qui prennent les trains de banlieue, le RER ou les trains express régionaux, constatent depuis des années la dégradation continue du réseau. Ils le constatent par les pannes à répétition, par les retards qui, sur certaines lignes, sont quotidiens.

Les cheminots dénoncent la difficulté croissante d'assurer correctement la maintenance et le contrôle du matériel. Alors que le trafic est en croissance, les cheminots sont de moins en moins nombreux.

La réduction des effectifs se traduit par la fermeture de brigades, l'éclatement des équipes qui ont l'habitude de travailler ensemble. L'appel à la sous-traitance, la privatisation d'un nombre croissant de tâches, aboutissent à une maintenance de moins en moins maîtrisée.

Depuis que la direction de la SNCF a écarté l'erreur humaine, si souvent incriminée pour éviter de parler de la défaillance du matériel, tout le monde pointe l'insuffisance des investissements et les réductions d'effectifs.

Mais pourquoi ces sous-investissements ? Pourquoi ces réductions d'effectifs ? Pourquoi, jour après jour, ces pannes, ces problèmes de caténaires, ces défauts de signalisation, ces fréquentes ruptures d'alimentation électrique ? Pourquoi cette situation qui rend insupportable la vie de tous ceux qui, pour se rendre à leur travail, sont obligés de prendre le train, et qui, à Brétigny, s'est transformée en catastrophe ?

Il y a, bien sûr, le choix de privilégier, depuis des dizaines d'années, quelques lignes de prestige au détriment de ce qui est indispensable à la majorité de la population et, en particulier, aux salariés.

Mais il n'y a pas que cela. Il y a la recherche de rentabilité. Il y a le fait que le système ferroviaire paie un tribut croissant à la finance par le biais des intérêts sur un endettement croissant. RFF affiche une dette de 31 milliards d'euros. Le service de cette dette, c'est autant de milliards qui, au lieu d'être consacrés à l'entretien et au renouvellement du matériel, sont drainés vers les banques !

La séparation, il y a quelques années, de la SNCF en deux entités, responsables, l'une (SNCF), du transport ferroviaire à proprement parler, l'autre (RFF), des infrastructures, a introduit des relations d'argent là où il n'y en avait pas auparavant. Le champ libre laissé aux banques en a été élargi.

L'antagonisme fondamental n'est pas vraiment entre le TGV et les trains de banlieue, mais entre les investissements et la finance, entre le renouvellement du matériel et l'embauche de personnel et les intérêts versés aux banques. Le transport ferroviaire est atteint du même mal que le système hospitalier, la poste ou les télécommunications, c'est-à-dire la décomposition des services publics sous l'effet délétère de l'argent et de la course au profit. Cette dégradation frappe en premier lieu les salariés. Elle s'ajoute à toutes les attaques de la bourgeoisie contre les conditions d'existence de la classe ouvrière.

Il ne suffit pas de soupirer après le « bon vieux temps », où les trains arrivaient à l'heure, le courrier était distribué le lendemain de son expédition et les hôpitaux cherchaient à soigner au lieu de viser la rentabilité. D'abord parce que, même au temps des services publics qui fonctionnaient, ceux-ci ne visaient pas la satisfaction des besoins élémentaires des classes populaires. Et, surtout, parce que même cela c'est fini, sous l'effet corrosif de l'argent, de la recherche du profit et de la crise de l'économie capitaliste.

Reste la réalité crue : le système économique, basé sur la propriété et le profit privés, est incapable de satisfaire convenablement les besoins collectifs élémentaires de la société. La seule façon de sauver de la décomposition les services publics indispensables à la collectivité est de mettre fin à l'organisation sociale basée sur la propriété privée des moyens de production, sur la recherche du profit : mettre fin au capitalisme !

Éditorial des bulletins d'entreprises du 15 juillet

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