SNCF Dijon : L'autre face de la « modernisation ferroviaire »26/06/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/06/une2343.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF Dijon : L'autre face de la « modernisation ferroviaire »

Le paysage ferroviaire a beaucoup changé sur l'agglomération dijonnaise : privatisation du triage de Gevrey, réaménagement de la gare, mise en service du poste d'aiguillage informatisé, ouverture du premier tronçon de la LGV Rhin-Rhône, déménagement de la direction régionale de Réseau ferré de France de Besançon à Dijon et, comme partout, le vaste chantier de « régénération du réseau ».

Tous ces grands travaux donnent l'impression que la SNCF se modernise au bénéfice des voyageurs et des cheminots. Mais, derrière les flonflons des inaugurations et les installations modernes, les conditions de travail se dégradent dans tous les secteurs.

Le fractionnement croissant des différentes activités dans l'entreprise entraîne des dysfonctionnements qui pourrissent la vie des cheminots.

Équipement : saucissonnage du service et risques accrus

Depuis la généralisation du travail de nuit pour l'entretien et les travaux sur les voies, les chantiers rassemblent différents intervenants : cheminots de la Voie, des Caténaires et du Service électrique, travailleurs d'entreprises privées comme les annonceurs qui viennent de Sferis ou Sages, les conducteurs d'engins et agents de la Dijonnaise de voies ferrées, etc. Chaque équipe a sa propre hiérarchie, souvent plus personne ne sait qui dirige quoi, les consignes sont parfois contradictoires, et aucun n'a une vision générale du chantier. Personne n'a les mêmes habitudes de travail, ni les mêmes procédures ou mesures de sécurité, et cela multiplie les risques.

Ainsi il y a quelques semaines, à la fin d'un chantier, un travailleur a signalé in extremis par radio qu'il ne fallait pas rouvrir la circulation, plusieurs traverses étant restées sur les rails ! Leur enlèvement n'avait été confié à personne. Une autre fois, un train de voyageurs lancé à pleine vitesse a roulé sur des drapeaux de chantier. Récemment encore, des conducteurs d'engins ont manoeuvré sur les voies alors que des trains pouvaient arriver, car ces travailleurs du privé supposaient que les circulations étaient interrompues. Un autre jour, on s'est aperçu que des ouvriers tchèques ne comprenaient pas le sens des coups de trompe qui commandent de quitter la voie, signalant l'arrivée d'un train. La plupart des travaux durs sont assumés par la sous-traitance, qui emploie souvent des travailleurs n'ayant reçu aucune formation et n'ayant pas conscience des dangers. La direction de la SNCF n'hésite d'ailleurs pas à faire effectuer des chantiers sans aucun cheminot. La fatigue ajoute un risque supplémentaire car, dans les petites boîtes de sous-traitants, on enchaîne parfois deux postes de 8 heures successifs.

Même à l'intérieur de la SNCF, les restructurations en services cloisonnés entraînent des problèmes. Ainsi les téléphones de secours situés sous le tunnel de Blaisy-Bas, à l'arrivée nord de Dijon, sont en panne depuis plusieurs mois. Les essais relèvent du Service électrique, mais la réparation incombe à la Téléphonie. Or les téléphonistes n'ont pas la procédure pour commander une protection du chantier et refusent, à juste titre, de s'aventurer sous ce tunnel sans l'avoir.

Ateliers : serrage de vis au détriment de la sécurité

À l'atelier de Perrigny, près de Dijon, les effectifs ont été divisés par deux en dix ans et de nouvelles méthodes instaurées : des obligations de délais et de coûts s'imposent, comme dans une entreprise qui doit faire des profits. Les équipes par spécialités (mécanos, électriciens, rectifieurs, etc.) ont été démantelées, remplacées par la poly-compétence où « tout le monde fait tout », en fonction des besoins. Un travail peut ainsi devenir vite pénible et dangereux, sans compter les erreurs. Ainsi, un jour, un train est reparti sans plaquettes de freins sur un essieu !

La direction accentue la pression sur les horaires. Le travail de nuit est apparu, puis le travail de week-end. Elle resserre aussi les budgets sur le matériel : on se retrouve à courir après un outil ou des vis et des boulons, on démonte une pièce sur une machine pour la monter sur une autre qui doit être livrée. Par contre, la direction repousse de mois en mois le creusement d'une fosse permettant de nettoyer le dessous des machines sans devoir s'y faufiler courbé en deux. Depuis quelques mois, les demandes d'explication se multiplient, débouchant parfois sur des avertissements et même une mise à pied avec sursis.

La hiérarchie a aussi complètement changé : autrefois, les chefs étaient des anciens connaissant les différents travaux et à cheval sur les consignes de sécurité. Aujourd'hui, les encadrants sont des jeunes diplômés arrivant avec des logiciels de management et devant faire du chiffre. Au point que, dernièrement, un chef a lui-même déplacé une machine en soirée, alors que les carrés interdisant tout mouvement avaient été posés, car l'entretien n'était pas terminé et des plaques métalliques restaient juste posées sur le toit !

Ces changements se sont faits insensiblement au fil des années. Les priorités et préoccupations des cadres ont changé, avec les pressions qu'ils subissent de la direction. Avec le morcellement de la SNCF, chacun des cadres et sous-cadres est responsable de son petit territoire, pour lequel il doit rendre des comptes sur une supposée efficacité économique, ce qui se traduit par des aberrations sur le terrain.

Voilà l'effet des préoccupations prioritairement financières de la direction.

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