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- Lutte ouvrière n°2343
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Brésil : Après des victoires partielles, la population toujours mobilisée
Le mouvement est parti de Sao Paulo le 6 juin. D'autres villes importantes avaient déjà manifesté auparavant, comme Porto Alegre début avril, Natal ou Santarem en mai, et cela fait plus de deux ans que le mouvement Passe libre milite pour la gratuité des transports, en particulier pour les étudiants. Le Brésil est un État fédéral, aussi vaste que les États-Unis, largement décentralisé. Mais Sao Paulo en constitue le coeur économique, son agglomération réunit plus de 20 millions d'habitants et de nombreuses grandes entreprises. La manifestation du 6 juin s'est renouvelée le 7, le 11, le 13, puis le 17 où la majorité des grandes villes étaient dans la lutte.
Le tarif des transports publics n'est que la raison la plus récente et la plus visible du mécontentement populaire. Il y a aussi l'insuffisance de transports publics dans ces agglomérations géantes, leur mauvaise organisation, les conditions indignes dans lesquelles on voyage. Et, au-delà des transports, il y a la santé et l'éducation, qui n'ont jamais été développées de façon satisfaisante et dont les « réformes » successives ont réduit l'accès pour la population la moins riche. Il y a aussi le logement, que les préparatifs du Mondial et des jeux Olympiques remettent en cause directement. Aussi bien pour construire les installations sportives et hôtelières que pour « sécuriser » les villes, des quartiers entiers d'habitations populaires sont vidés et détruits. Certains sont des bidonvilles, mais à Rio, par exemple, un quart de la population y vit, jusqu'en plein centre-ville. Les habitants des bidonvilles sont en majorité ouvriers et employés, à qui leurs revenus interdisent de se loger ailleurs. 170 000 seraient en voie d'être expulsés et, même si certains seront relogés, ce sera à des dizaines de kilomètres.
Les manifestants protestent en même temps contre la corruption, qui réunit capitalistes et politiciens. Les capitalistes financent les campagnes électorales et reçoivent en retour cadeaux, commandes publiques et facilités de toute sorte. Les équipes gouvernementales de Lula, président de 2003 à 2010, ont été, elles aussi, décimées par des scandales successifs. Dilma Roussef, en deux ans et demi de présidence, a déjà dû se débarrasser en toute hâte de sept ou huit ministres, dont un Premier ministre, impliqués dans des affaires de marchés publics frauduleux. Et la corruption n'est pas moindre au niveau des États et des municipalités.
Vendredi 21 juin, après avoir rencontré certains animateurs du mouvement, la présidente est intervenue à la télévision pour tenter de calmer le mécontentement. Elle a d'abord tempêté contre les « violences » perpétrées selon elle par les manifestants &ndash ; et qui ont généralement résulté de l'intervention musclée de la police. Elle a promis d'améliorer les services publics, en particulier de consacrer à l'éducation tout l'argent qu'elle tirerait de la vente future des concessions pétrolières. Elle a assuré que l'argent consacré aux installations sportives, avec 11 milliards d'euros pour le Mondial de football, serait entièrement remboursé par les entreprises qui en assureraient le fonctionnement (et empocheraient 50 milliards de profits attendus). Elle a réitéré ses engagements de combattre la corruption. Lundi 24 juin, elle réunissait les gouverneurs et les maires des grandes villes. Elle parle maintenant de réformer la Constitution.
Il semble qu'elle n'ait pas convaincu grand monde. Les manifestations n'en ont pas moins continué un peu partout. Un appel à la grève générale circule sur les réseaux sociaux pour le lundi 1er juillet. Dans un pays où l'essor économique marque le pas et où l'élection présidentielle se tiendra l'an prochain, les dirigeants politiques, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, ont des raisons d'être inquiets.