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- Lutte ouvrière n°2341
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Nelson Mandela : L'homme de la lutte contre l'apartheid... et l'instrument de la transition pour la bourgeoisie sud-africaine
Mis en place en 1948, après la victoire électorale du Parti national, regroupant exclusivement des Afrikaaners, l'apartheid exprimait, par la ségrégation et la violence, la détermination de la minorité blanche qui concentrait déjà toutes les richesses économiques du pays à tenir à distance la majorité noire, c'est-à-dire les pauvres et les prolétaires.
Pendant quarante ans, parqués dans les bantoustans – les réserves – et les townships, – ghettos à la périphérie des grandes villes –, les Noirs et les métis devaient être munis d'un laisser-passer pour aller travailler en zone blanche. L'oppression, le mépris, la matraque, la prison et la torture furent, des années durant, érigées en méthode de gouvernement. La révolte contre cette insupportable discrimination légale à grande échelle ne cessa pas de se manifester. La jeunesse scolarisée affronta le pouvoir, en 1976, à Soweto. Puis ce furent les luttes massives de 1984 à 1986, dont la grève des mineurs, qui inquiétèrent le pouvoir au point de le pousser à chercher, parallèlement à la répression féroce qu'il exerçait contre les opposants à l'apartheid, une solution négociée. Ils voulaient éviter que les révoltes, les grèves, se transforment en un mouvement de fond de la population – et surtout de la classe ouvrière – mettant en danger la domination de la bourgeoisie et les immenses profits qu'elle et ses alliés impérialistes tiraient de l'exploitation des travailleurs.
Cette solution négociée, c'est l'ANC et ses dirigeants, dont Nelson Mandela, qui en furent les acteurs aux côtés du parti nationaliste blanc au pouvoir. Longtemps fer de lance de la lutte anti-apartheid, le parti nationaliste noir orienta la révolte et les luttes ouvrières vers un « apaisement » qui tenait des millions de travailleurs à distance du pouvoir. De loi raciste abrogée en légalisation des partis politiques, le gouvernement remisa la ségrégation officielle et organisa dès mars 1990 des négociations ouvertes avec l'ANC. L'apartheid fut aboli dans les textes en juin 1991.
En fait, tout en prenant en compte la colère de la population noire, la bourgeoisie sud-africaine préservait ainsi sa domination. Un référendum organisé l'année suivante parmi la population blanche montra que celle-ci approuvait à 69 % les décisions du président blanc de Klerk. Signe de reconnaissance de la bourgeoisie mondiale, Nelson Mandela fut couronné du prix Nobel de la paix, en même temps que le président de Klerk. Des élections, en avril 1994, le portèrent à la présidence. L'ANC organisa alors le gouvernement, en commun avec le Parti national et le parti nationaliste zoulou.
La misère, elle, n'avait pas disparu. Mais, dans le pays le plus riche d'Afrique, il y avait la place pour qu'une petite bourgeoisie et une bourgeoisie noires se développent. Loin d'être des révolutionnaires, Mandela et les autres dirigeants de l'ANC collaborèrent à la direction de l'État bourgeois et permettaient aux couches dirigeantes de la population noire d'occuper des postes et de s'enrichir. Mais il n'en était pas de même de la population pauvre, en grande majorité noire, qui continua à subir sinon l'apartheid légal, du moins l'apartheid social. Et cet État avait toujours les mêmes ennemis, les travailleurs qui relèvent la tête.
Dernièrement en août 2012, lors de la grève dans les mines de platine Lonmin à Marikana, trente-quatre grévistes ont été tués par des policiers noirs, défendant les profits des capitalistes. Ce sont ensuite des ministres noirs, membres de l'ANC, qui ont défendu l'action de la police et condamné celle des mineurs. Ainsi malheureusement la politique de Mandela et de l'ANC, si elle a conduit à la fin de l'apartheid, a maintenu une exploitation tout aussi féroce, tout au plus ayant changé de couleur.