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- Lutte ouvrière n°2335
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Il y a 30 ans... Le « tournant de la rigueur »
Il y a trente ans, le 25 mars 1983, Jacques Delors, alors ministre de l'Économie, des Finances et du Budget dans le gouvernement Mauroy, annonçait son « plan de rigueur ». Moins de deux ans après l'élection de Mitterrand et l'arrivée de la gauche aux affaires, celle-ci tournait ouvertement le dos à toutes ses promesses et se montrait prête à totalement servir la bourgeoisie, au mépris de l'intérêt des travailleurs.
L'avant-veille, Mitterrand était intervenu à la télévision pour appeler la population à « l'effort » pour le « redressement national » et à « préférer les productions françaises », un discours qui en rappelle d'autres trente ans plus tard. Il avait exhorté les Français à épargner plutôt que de consommer, assurant que le gouvernement avait pour tâche de « développer l'épargne en l'orientant par tous les moyens vers la rénovation de l'industrie » et de « soutenir les entreprises et les équipes de créateurs qui innovent pour exporter ».
Le discours était clair : il fallait réduire le déficit extérieur qui s'élevait à dix milliards de francs (un record à l'époque !) et il fallait puiser dans les revenus de la population pour maintenir les profits des industriels. Les deux furent faits. Le 21 mars 1983, Delors annonçait une dévaluation de 2,5 % du franc, la troisième dévaluation depuis le début du septennat de Mitterrand et, quatre jours après, il présentait son plan de rigueur, un plan « sans précédent » dirent les commentateurs.
En effet un nouvel impôt était instauré : un prélèvement de 1 % supplémentaire sur tous les revenus imposables de 1981. Un emprunt obligatoire était mis en place, l'État prélevait d'office pour trois ans 10 % de l'impôt payé en 1982 à tous les contribuables acquittant au moins 5 000 F d'impôt. Et pour tout le monde, quel que soit le niveau de revenu, le gouvernement décrétait une série d'augmentations des tarifs de l'électricité, du gaz et du téléphone, de la SNCF et des autoroutes. Il augmentait les taxes sur le tabac, l'alcool et la vignette auto. Il instaurait un contrôle des changes, limitant le montant de devises pour quiconque - sauf les hommes d'affaires - se rendant à l'étranger. Enfin, il inventait le forfait hospitalier, le fixant à 20 F par jour pour tout séjour à l'hôpital, non remboursé par la Sécurité sociale.
Ce n'était pas le premier plan de rigueur du septennat de Mitterrand. En juin 1982, quelques mois après que le gouvernement, conformément à son programme, avait augmenté le smic et les allocations familiales, Pierre Mauroy avait déclaré : « Les hausses nominales excessives de revenus et de salaires entretiennent l'inflation et privent notre économie des moyens de créer des emplois. » Et, il avait ajouté : « Le gouvernement est décidé à agir pour modérer davantage l'évolution des salaires. » Il le fit, en prenant une mesure que même les gouvernements de droite n'avaient pas osé prendre, instaurant le blocage complet des salaires pour quatre mois et décidant qu'ils ne pourraient plus être indexés sur les prix.
Lors des élections municipales du 13 mars 1983, la gauche commença à payer cette politique. Bien des électeurs qui avaient rêvé d'un réel changement avec l'arrivée de la gauche au pouvoir se sentaient trahis. La gauche perdit ces élections et 31 grandes villes furent reprises par la droite. Ces élections virent aussi le début de la montée du Front national.
Mais finalement, peu lui importait. Moins de deux semaines après les municipales, le gouvernement par la voix de Delors annonçait son plan de rigueur. Il s'agissait de montrer par des actes que, bien que « socialiste », le gouvernement était au service des intérêts des capitalistes et qu'il le serait coûte que coûte, quitte à se discréditer complètement vis-à-vis de ses propres électeurs.