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Mali : L'armée française est là pour rester
Sur les 4 000 soldats officiellement présents au Mali, le ministre de la Défense, Le Drian, a avoué que la moitié ne serait retirée au plus tôt qu'« à la fin de l'été » et qu'il en resterait « autour de 1 000 pour une durée un peu plus importante ». Le ministre des Affaires étrangères, Fabius, a tenu un langage un peu plus clair en annonçant que « La France a proposé aux Nations unies et au gouvernement malien d'avoir une force d'appui française d'un millier d'hommes, qui sera permanente, qui sera au Mali, et qui sera équipée pour lutter contre le terrorisme ».
Nous avons dénoncé l'intervention impérialiste française dès le début. Sous prétexte de lutte contre les milices islamistes, l'armée française est allée défendre les intérêts économiques et politiques des grands groupes industriels et financiers français. Pour toutes ses affaires dans cette zone de l'Afrique, qui est son ancien empire colonial, l'impérialisme français a besoin non seulement de stabilité mais aussi que les pouvoirs locaux lui soient favorables.
C'est la crainte de voir s'installer, au coeur de sa zone d'influence, un pouvoir politique hostile à ses intérêts qui a poussé le gouvernement français à intervenir militairement. Le sort des populations persécutées par les milices islamistes intégristes n'a été qu'un prétexte.
Mais pour l'impérialisme français, il y a loin de la coupe aux lèvres. Et l'annonce du maintien d'une force militaire permanente au Mali est l'aveu que la situation est profondément instable. L'armée malienne, sur laquelle l'impérialisme français veut s'appuyer, était en pleine décomposition quand les milices islamistes sont passées à l'offensive. Et les lambeaux d'armée ont préféré fuir plutôt que de résister, étant bien plus habitués à rançonner et terroriser la population qu'à se battre contre des gens armés. C'est cette même armée à qui l'impérialisme français confie le maintien de l'ordre dans certaines zones reconquises au nord du pays, et qui s'est déjà illustrée par des exactions sur les populations arabes et touareg.
L'armée touareg, elle, tient encore la ville de Kidal dans le nord-est du Mali, où elle a nommé un administrateur, et refuse toujours l'autorité de l'armée malienne. À Gao, ville reprise aux milices islamistes, des attentats ont eu lieu en février dernier. Il s'agit des premiers attentats-suicides au Mali. Et les affrontements entre l'armée française et les milices islamistes continuent. Même dans la capitale du pays, Bamako, au sud, la situation est instable. Une fusillade entre clans de la police plus ou moins proches du pouvoir vient d'avoir lieu.
Le gouvernement français espère donner un semblant de légitimité et de stabilité au pouvoir actuel, qui est issu du putsch militaire de mars 2012, en forçant à l'organisation d'élections en juillet. Si jamais elles ont lieu, ces élections seront de toute façon une mascarade, ne serait-ce parce que près de 400 000 Maliens ont fui leurs lieux d'habitation suite aux différents épisodes guerriers.
L'intervention militaire française a donc débouché sur une nouvelle situation explosive, qui tend à envenimer les rapports entre les différentes composantes de la population malienne : entre les populations du sud du Mali, les Arabes et les Touareg. Et de ce point de vue, les exemples de la Côte d'Ivoire et du Rwanda montrent jusqu'où peuvent mener les machinations de l'impérialisme français, déterminé à conserver la mainmise sur sa zone d'influence.
Et quel coût aura cette opération militaire ? Elle aura un coût pour les populations locales, qui paient et paieront en vies humaines cette aventure guerrière ; mais aussi un coût financier, qu'on fera payer aux travailleurs, ici. L'armée aurait dépensé depuis son arrivée deux millions d'euros par jour en moyenne. Et ces sommes, considérables pour un pays comme le Mali, sont utilisées non pas pour l'aider à se développer mais pour le dévaster.
Alors, face à l'intervention impérialiste française et face à tous ces clans militaires ou mafieux, ou les deux à la fois, qui vivent en parasitant et en terrorisant la population, les travailleurs maliens, quelle que soit leur origine, ne pourront vivre en paix que s'ils prennent leur sort en main eux-mêmes et se débarrassent de tous leurs exploiteurs.
Quant à nous, ici en France, nous devons dénoncer toutes les interventions guerrières de notre impérialisme, quels que soient les prétextes sous lesquels il les maquille. Et nous devons aussi dénoncer la domination impérialiste elle-même et son corollaire, le poison du chauvinisme, qui vise à nous rendre complices des pillages dont sont responsables nos propres oppresseurs.
(Déclaration de Lutte Ouvrière au Cercle Léon Trotsky le 12 avril)