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- Lutte ouvrière n°2332
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Russie : Poutine invoque la « main de l'étranger » pour agiter la matraque
Une loi, adoptée en novembre, oblige tout organisme recevant des fonds étrangers à les déclarer, à enregistrer ses activités comme celles d'un « agent étranger » et à les soumettre à un contrôle tatillon. Ce durcissement des autorités est bien sûr à rapprocher de la vague de contestation qui avait secoué les grandes villes russes durant des semaines l'an dernier. Le Kremlin avait tout fait pour présenter cette protestation comme manipulée depuis l'étranger. Tout comme il avait, en leur temps, insisté sur le fait que l'Occident avait soutenu, sinon fomenté, par des fonds et l'action de diverses ONG, les « révolutions » de couleur (« orange » en Ukraine, « rose » en Géorgie, etc.) dans plusieurs États issus de la décomposition de l'Union soviétique.
Aujourd'hui, le mouvement d'opposition, animé par une mouvance fort hétéroclite, est retombé : il n'y a plus de manifestations massives et répétées fustigeant le président russe et son parti, Russie unie. Mais Poutine et les clans de la bureaucratie affairiste qui dirigent le pays ne peuvent pas forcément souffler pour autant.
Le « parti des escrocs et des voleurs »
Censée faire écho au mécontentement d'une grande partie de la population qui peine à joindre les deux bouts et qui constate que ses dirigeants ont un train de vie ne nababs, la campagne anticorruption lancée par le Kremlin cet automne n'a pas réussi à redresser la cote de popularité de Poutine. Certes, des centaines de fonctionnaires petits et moyens ont été arrêtés pour avoir touché ou réclamé des pots-de-vin. Mais aucun proche du pouvoir n'a été vraiment inquiété, alors que les scandales de corruption ne cessent de les éclabousser. Soulignant, involontairement bien sûr, que le parti du pouvoir est bien celui « des escrocs et des voleurs », comme le scandaient les manifestants l'an dernier, cette campagne revient comme un boomerang dans la figure de son initiateur. Du coup, Russie unie étant trop discréditée, Poutine en est à chercher à se doter avec le Front populaire, un rassemblement qu'il vient de lancer, d'un nouveau poulain pour les prochaines législatives.
Enfumage nationaliste et attaques contre les travailleurs
La campagne « patriotique » tous azimuts du pouvoir, qu'il a intensifiée avec l'affaire de Chypre, qu'il présente comme une spoliation des avoirs russes par l'étranger, répond moins au souhait proclamé du Kremlin d'affirmer la Russie comme une puissance de rang mondial, qu'au besoin très concret et immédiat de donner le change aux classes populaires de Russie. Car, sur le terrain social, elles ne peuvent que faire un constat amer : leurs dirigeants, tenants de la « grandeur russe », font dans le tout petit quand ils refusent de relever le salaire minimum actuel fixé à 5 700 roubles (142 euros). En revanche, ils n'ont pas hésité à donner le feu vert au RGD (l'équivalent russe de la SNCF) pour qu'il augmente de façon substantielle ses tarifs, surtout ceux des trains de banlieue, ce qui frappe le pouvoir d'achat des travailleurs. Le même RGD a également été autorisé à supprimer de nombreux emplois, ce qui va encore dégrader ce service de moins en moins public.
L'hebdomadaire populaire russe Argoumenty i Fakty vient de consacrer une double page à la situation déplorable de la santé publique loin des grandes villes, informant ses lecteurs qu'en quelques années la moitié des hôpitaux de province ont fermé, que les médecins et infirmières sont sans moyens et fort mal payés. Cette situation va encore s'aggraver, le gouvernement venant d'abolir le système « d'affectation » qui obligeait (au moins en théorie) les médecins à aller exercer après leurs études là où la population avait besoin d'eux, même dans les coins les plus reculés.
Enfin, parmi les autres attaques que planifient les autorités, il y a celles qui concernent les retraites, même si les détails n'en sont pas encore connus.
Alors, pour faire oublier tout cela et tenter de dissuader ceux qui voudraient contester cet état de choses, Poutine n'a pas fini de montrer et ses muscles et les dents de sa police. Et pas seulement contre les ONG étrangères, mais contre les militants russes, notamment d'extrême gauche, dont le nombre de ceux qui se trouvent en prison et aux arrêts domiciliaires a encore augmenté ces dernières semaines, même si cela ne semble guère émouvoir la presse occidentale.