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- Lutte ouvrière n°2332
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Editorial
Gouverner, c'est toujours mentir aux exploités
L'aveu de Cahuzac a déclenché une crise politique, dont on ne peut pas savoir quand ni comment elle finira. Pour révoltante qu'elle soit, la fraude n'en est pas moins banale et il y a sûrement du côté de la bourgeoisie des fraudeurs qui le font avec des sommes autrement plus élevées.
Mais Cahuzac était, il y a moins d'un mois encore, ministre du Budget, censé combattre les fraudeurs, et ce monsieur, qui prônait l'austérité, ne se l'appliquait pas à lui-même. Quant à Hollande et Ayrault, qui avaient fait de la probité et du désintéressement leur marque de fabrique, les voilà qui ont choisi pour ministre du Budget un ripou qui a mangé à tous les râteliers, de la fraude fiscale en passant par le conflit d'intérêt !
La droite et l'extrême droite n'ont pas manqué de s'engouffrer dans la brèche, les uns demandant la démission du gouvernement, les autres la dissolution de l'Assemblée nationale. Mais au fil des révélations, on apprend que l'homme de gauche Cahuzac a sauvé la mise à l'homme de droite Woerth à propos de la vente de l'hippodrome de Compiègne. On apprend que l'intermédiaire qui a ouvert un compte en Suisse pour Cahuzac est un avocat spécialisé dans les montages fiscaux, proche de Marine Le Pen !
Cahuzac est loin d'être un cas isolé. Les dirigeants de l'État sont à l'image de la société capitaliste : pourris par l'argent. L'individualisme et l'enrichissement sont les valeurs suprêmes de la bourgeoisie qui dirige la société. L'exploitation, le vol du travail salarié en sont les fondements légaux. Frauder le fisc n'est qu'un à-côté qui va de soi, une seconde nature pour tout bourgeois qui se respecte !
Une telle société engendre facilement des politiciens aussi cupides que dénués de scrupules. Et les mesurettes de Hollande n'y changeront rien, les indignations et les appels à la moralisation de la vie politique non plus et changer le numéro de la République, passer de la cinquième à la sixième, pas plus.
Ceux des classes populaires qui ont voté pour Hollande n'ont pas attendu le coup de théâtre de l'affaire Cahuzac pour se sentir trahis. La déconsidération profonde du gouvernement est le fruit de sa politique et de ses propres mensonges.
Hollande s'est fait élire en promettant de s'en prendre aux licenciements : mensonge ! Il s'est fait élire en s'engageant à ne pas augmenter la TVA : mensonge ! Il a dénoncé la réforme des retraites de Sarkozy, laissant croire qu'il reviendrait dessus : mensonge !
En ce moment, le gouvernement est en train de faire approuver par le Parlement la loi dont il dit qu'elle sécurisera l'emploi : mensonge encore ! Cette loi va flexibiliser et précariser encore plus la situation des travailleurs car elle donne la possibilité au patronat de licencier plus vite, moins cher. Le patronat pourra baisser le temps de travail, il pourra baisser les salaires en fonction de ses affaires. Il pourra imposer la mobilité forcée.
Le gouvernement et le patronat prétendent que cette flexibilité accrue sauvera des emplois. Mais la flexibilité s'est imposée depuis longtemps dans toutes les entreprises : en quoi a-t-elle empêché les suppressions d'emplois ?
Cette loi ne permettra pas de lutter contre le chômage mais elle aggravera l'exploitation, elle donnera plus d'armes légales au chantage patronal. Voilà ce que le gouvernement, le patronat et les confédérations syndicales signataires de ces accords de compétitivité vantent comme « un résultat historique du dialogue social » !
Eh bien, les travailleurs qui refusent ces reculs n'ont pas à se sentir liés par les signatures des dirigeants syndicaux. Mardi 9 avril la CGT, FO, SUD et la FSU ont organisé une manifestation pour dénoncer ce projet de loi. Ceux qui y ont participé ont eu raison d'en être, même si pour faire reculer le gouvernement il faudrait plus que cela. Il faudrait une réaction massive du monde du travail, capable de bloquer l'appareil productif. Mais un tel rapport de force doit se préparer.
Pour cela, il faudrait que les confédérations syndicales en défendent la nécessité et la perspective, qu'elles se montrent fermes et déterminées elles-mêmes, avec un plan d'action. Au lieu de cela, il n'y a que des journées isolées et mal préparées.
Il est d'autant plus important que ceux qui ne se résignent pas à encaisser les coups patronaux le disent. Il faut dire, aussi bien au gouvernement qu'aux directions syndicales, que les reculs sociaux ne se feront pas avec l'accord de tous les travailleurs, qu'il y a ne serait-ce qu'une minorité qui n'accepte pas de baisser les bras. C'est à partir de là que cette minorité peut grandir.
La crise économique, sociale et politique rend d'autant plus nécessaire et urgente la mobilisation des travailleurs pour leurs intérêts.
Éditorial des bulletins d'entreprise