Face aux fermetures d'entreprises : S'en remettre aux « bons repreneurs » ?27/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/03/une2326.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Face aux fermetures d'entreprises : S'en remettre aux « bons repreneurs » ?

Alors qu'il abandonnait lâchement les salariés à leur sort ou, pire, prenait fait et cause pour le patron licencieur, à Petroplus, Arcelor-Mittal, PSA ou encore Renault ou Goodyear, le gouvernement a tenté de se dédouaner en sortant de son sac une proposition de loi. Encore en gestation, elle pourrait permettre, dit-il, d'obliger à revendre des « sites rentables » à une autre société plutôt que de les fermer.

Mais bien malin qui peut dire, en se basant sur les comptes officiels de la société qui se prépare à fermer, ce qui chez elle est « rentable » ou ne l'est pas. Surtout que la rentabilité vue du côté des capitalistes n'est pas la même que du point de vue des travailleurs et de la société. Mais la chasse à un nouveau « bon patron » est la plupart du temps une course à la catastrophe, et les exceptions sont rares.

Les grands groupes capitalistes ont usé et abusé de ce moyen pour se défausser de leur responsabilité envers leurs salariés, en déléguant à des patrons de second ordre, qui agissaient comme leurs hommes de main, l'exécution des saignées sur l'emploi.

Dans la sidérurgie, Sollac, Usinor, Arcelor, avant même l'arrivée de Mittal, en ont usé. Les productions ont été compartimentées et réparties dans des entreprises pseudo-indépendantes au sein de la même usine : une pour la mise en rouleau des bobines de feuillard, une pour l'entretien électrique, une pour la conduite des chariots élévateurs, etc. Un beau jour une de ces sociétés pouvait disparaître, et ses salariés avec, suite simplement à un non-renouvellement de contrat.

Dans la téléphonie et l'électronique, grand public ou industrielle, les pseudo-reprises ont été le moyen de supprimer des dizaines de milliers d'emplois, en faisant fermer ensuite une usine après l'autre par des patrons prétendument isolés et « indépendants », accusés « de mauvaise gestion ». En réalité, il s'agissait pour les actionnaires de ces grands groupes d'aller placer dans des secteurs encore plus rentables, comme par exemple... la finance, leurs capitaux amassés sur le travail de leurs salariés. Les pseudo-repreneurs leur ont permis de cacher leurs plans véritables et de se débarrasser de leurs propres salariés au meilleur compte, avec le moins de secousses possible. Alcatel et Thomson étant parmi les plus connus à s'être servis de ce moyen.

Petroplus lui-même est l'illustration de la façon de faire de Shell, qui s'en est servi comme paravent. Dans l'automobile et dans le secteur des fonderies, un certain Michel Coencas, à la tête de la Financière du Valois et du groupe Valfond, a agi au service des patrons, et en particulier de la famille Peugeot, pour mener de telles opérations de reprise fictive. Cela lui a permis d'être toujours soutenu par les hommes du pouvoir, malgré quelques séjours en prison provoqués par la plainte de syndicalistes face à ses malversations.

Cette politique patronale est connue de tous, mais elle n'a pas empêché des leaders syndicaux d'en faire la base de ce qu'ils ont appelé du nom pompeux de « politique industrielle », comme le font encore certains dirigeants de la CGT. Un exemple, voulu comme emblématique, a été celui de Molex en 2009, porté à l'époque par Bernard Thibault en collaboration avec le gouvernement Sarkozy. Il a abouti au désastre d'une reprise... d'une poignée de salariés par un repreneur quasi fictif qui empocha quelques bonnes primes au passage en laissant l'immense majorité du personnel sur le carreau.

Même des conglomérats géants n'hésitent pas à se mettre sur les rangs des pseudo-reprises. Le groupe Suez l'a fait par l'intermédiaire de ses multiples filiales sur le site de Metaleurop à Noyelles-Godault, dans le Nord. Laissant quelques mois plus tard des dizaines de salariés à Pôle emploi après avoir empoché une série de primes. Les mêmes voudraient renouveler l'opération sur le site de Continental Clairoix, avec la complicité de l'État et des collectivités locales du Compiégnois.

Bien sûr, quand les travailleurs sont le dos au mur face à un projet de licenciements massifs ou de fermeture, dans la pire des situations, ils se raccrochent à ce qui leur paraît possible et on ne peut le leur reprocher. Mais ce serait la moindre des choses, pour des dirigeants syndicaux, de donner une perspective à l'ensemble du monde du travail, afin qu'il ne se retrouve pas soumis aux diktats et aux combines du patronat.

Les possibilités d'imposer des reculs plus ou moins grands, voire la prise en compte des revendications des travailleurs, ne dépendent que de l'importance des forces en présence, de leur détermination et de leur volonté d'aller au bout des possibilités ouvertes par leurs luttes. C'est dans ce sens que devraient agir de vrais syndicalistes, puisque ce terme est à la mode dans la bouche des commentateurs.

En revanche, le choix de n'offrir aux travailleurs victimes des purges patronales que la recherche du « bon repreneur » qui viendrait les sauver est un mauvais conte. En plus de tourner le plus souvent au cauchemar, il détourne des vrais coupables : les grands groupes capitalistes. Et c'est bien à cette classe bourgeoise et à elle seule qu'il faut faire payer les conséquences de la crise de son système, avant d'être en mesure de la chasser définitivement.

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