La viande de cheval ne tue pas, le capitalisme si !20/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2325.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La viande de cheval ne tue pas, le capitalisme si !

Tests ADN, Interpol, brigades policières : l'Union européenne a sonné le branle-bas de combat. Que cherche-t-elle ? Les fortunes cachées qui échappent au fisc ? Les spéculateurs qui jouent l'économie au casino ? Non, il s'agit de débusquer de la viande de cheval dans les plats cuisinés.

La fraude est choquante. Qu'une entreprise remplace secrètement le boeuf par du cheval, moins cher, pour augmenter ses bénéfices, est inacceptable. Cette tromperie démontre que, même dans un secteur théoriquement très surveillé, les fraudes sont banales. Et on ne peut plus dire, comme le laissaient entendre certains, pétris de préjugés, que cela vient de Roumanie. La fraude est bien de chez nous, puisque c'est une entreprise française qui a fait valser les étiquettes.

Nous apprenons aussi, au passage, que la viande hachée est du « minerai », composé de « déchets de muscles, d'os, de collagène ». L'appât du gain est décidément peu ragoûtant... Que sont-ils prêts à nous faire avaler, pour leurs profits ?

Pour comprendre ne serait-ce que le circuit de la viande, il a fallu une enquête policière, car l'affaire met en scène cinq pays, deux courtiers en viande, quatre entreprises et des produits vendus dans toute l'Europe via quelques grandes marques de plats cuisinés et plusieurs grands noms de la distribution. Et tout ce beau monde vit en prélevant sa part sur les travailleurs de la filière et sur les consommateurs, dans l'opacité la plus totale, couvert par le sacro-saint secret commercial.

Oui, le contrôle est nécessaire, et pas seulement sur l'étiquetage alimentaire ! Le capitalisme et la recherche du profit font bien d'autres victimes, à une tout autre échelle et dans de tout autres domaines. Alors, il faut imposer un contrôle bien plus général, un contrôle à l'échelle de l'ensemble de la vie économique.

Ce contrôle doit être exercé par les travailleurs eux-mêmes et, pour qu'il puisse être effectif, il faut lever le secret des affaires. L'État peut déployer tous les appareils bureaucratiques qu'il veut, seuls les travailleurs peuvent au jour le jour assurer un contrôle efficace et tirer la sonnette d'alarme avant que le mal soit fait.

Mais pour cela, il faut que les travailleurs puissent rendre publiques les décisions dont ils sont témoins. Aujourd'hui, un salarié qui dénonce ce qui se passe dans son entreprise est certain de se retrouver à la porte ou en justice. C'est pourquoi il faut supprimer le secret commercial et reconnaître aux travailleurs le droit de dire ce qu'ils savent de leur entreprise.

Plus qu'un droit au contrôle, il faudrait parler de devoir civique, car c'est la seule façon de dénoncer et d'empêcher les crimes patronaux. Et tous les crimes patronaux ! Car si les scandales sanitaires, celui de la vache folle, du Mediator, sont unanimement dénoncés, il n'en va pas de même pour les crimes sociaux.

Les victimes sont pourtant bien réelles. Faut-il rappeler que, chaque jour, deux salariés meurent au travail dans le pays ? On estime que 3 000 à 5 000 décès par an sont imputables à l'amiante : aucun responsable n'a été identifié et jugé à ce jour.

Licencier et condamner au chômage de plus en plus de travailleurs est aussi un crime social. Combien de travailleurs sont broyés par une vie de chômage et de galère, faite de petits boulots payés une misère ? Combien sont brisés par l'exploitation ?

Pour justifier leurs crimes, les dirigeants des grands groupes mentent de façon éhontée. Le PDG de PSA, celui d'ArcelorMittal, ont menti pendant des années. Aujourd'hui encore, ils cachent les vrais comptes de leur trust. Ils annoncent des pertes pour justifier des fermetures d'usines, mais la cote de leur groupe a monté à la Bourse, et on peut faire confiance aux actionnaires pour ne pas s'y tromper.

Les dirigeants de l'économie peuvent impunément maquiller leurs comptes et cacher les fortunes personnelles qu'ils retirent de l'exploitation.

Eh bien, là aussi il faut imposer un contrôle. Il y a bien des secrétaires, des techniciens, des comptables, des ingénieurs, révoltés par les agissements de leur direction qui sont contraires aux intérêts des salariés, de la population ou de l'environnement.

Supprimer le secret des affaires permettrait d'en finir avec le chantage patronal. Les travailleurs pourraient rendre publiques leurs informations, et ils sauraient à quoi s'en tenir. Ils pourraient anticiper et s'organiser face aux attaques patronales.

La question du contrôle doit concerner l'ensemble de l'économie, car il ne s'agit pas seulement de maîtriser ce que l'on met dans nos assiettes, mais de prendre la maîtrise de notre vie.

Éditorial des bulletins d'entreprises du 18 février

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