Belgique : Ford Genk23/01/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/01/une2321.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique : Ford Genk

Les travailleurs de la sous-traitance refusent le honteux accord de reprise

Ford Genk, c'est 4 300 salariés et au moins autant de sous-traitants. La production n'a pas redémarré après le référendum du 7 janvier sur la reprise du travail, qui a obtenu une très petite majorité de 53 % des quelque 5 000 bulletins valides.

Depuis l'annonce en octobre 2012 de la fermeture de l'usine programmée pour 2014, des travailleurs ont en effet bloqué les entrées et sorties de l'entreprise, notamment pour empêcher le départ des voitures finies et des pièces détachées.

L'accord négocié entre la direction de Ford et les dirigeants syndicaux prévoit une production de 123 000 voitures en 2013. Au premier trimestre, quarante jours de travail sont prévus, avec mille voitures par jour, contre 900 à 950 en temps normal. Après, rien n'est dévoilé. La direction exige surtout la libération des voitures ! En contrepartie, Ford paierait une prime de « motivation » de 40 % par jour. Les dirigeants syndicaux ont organisé le référendum, alors que les négociations sur l'avenir des travailleurs n'ont même pas commencé.

Les pressions des dirigeants syndicaux sur les travailleurs n'ont pas manqué : voter contre la reprise, c'était mettre en péril les prépensions et compromettre les négociations ultérieures... Malgré tout, 47 % ont voté contre, et sans doute plus : ainsi, des dizaines de bulletins ont été annulés car les travailleurs y avaient écrit leur sentiment. Les tensions ont été vives avec les responsables syndicaux, accusés d'avoir falsifié le résultat, d'imposer des choix honteux et de diviser les travailleurs.

Le jour prévu de la reprise, mercredi 9 janvier, la direction a prétendu que 95 % des travailleurs étaient à leur poste. La direction de Ford avait écrit au domicile de tous, menaçant à mots couverts de licenciement ceux qui ne se présenteraient pas. Quant à ceux restés au piquet de grève, ils étaient traités de casseurs et d'irresponsables dans tous les médias.

Le refus des travailleurs de la sous-traitance

Ce sont les travailleurs -- et surtout les travailleuses -- de la sous-traitance qui ont fait échouer la reprise. Il n'était pas question pour eux de reprendre à ces conditions. Le pourcentage de ceux qui peuvent prétendre à une prépension est bien moindre qu'à Ford. Ils étaient choqués aussi que les dirigeants syndicaux aient négocié dans leur dos cette prime de 40 % pour produire encore plus vite. Non seulement rien ne garantit qu'elle leur sera appliquée, mais ils s'imaginent difficilement travailler encore plus vite ! Et puis, courir pour quoi ? Pour être plus vite au chômage ? Comme l'a exprimé un gréviste : « Quand on leur aura produit leurs voitures, ils vont nous dire simplement : "Merci, maintenant on n'a plus besoin de vous." Et on n'aura rien. »

Côté arrière de l'usine, le blocage a donc continué et la production s'est limitée à quelques dizaines de voitures, jusqu'à ce que les stocks des pièces (câbles, portes, plafonds, pédales, etc.) soient épuisés.

Un comité d'action s'est formé, composé de délégués syndicaux de la sous-traitance, outrés du déni de démocratie des dirigeants syndicaux et de la façon dont les travailleurs qui veulent se battre sont traités.

Les syndicats n'ont en effet pas reconnu la grève des sous-traitants, qu'ils jugent irresponsable et contraire à l'accord signé... Les syndicats ne payent donc aucune indemnité de grève (de 30 euros par jour la première semaine jusqu'à 45,50 euros par jour la neuvième semaine de grève). Les travailleurs au piquet de grève n'ont pas droit non plus au chômage partiel, accordé aux travailleurs de Ford « empêchés » de travailler, ce que les dirigeants syndicaux ont bien souligné. Cela leur fait déjà presque deux semaines sans aucun revenu.

La colère des grévistes

La colère des grévistes s'est retournée aussi contre les appareils syndicaux. Le 17 janvier, les négociateurs syndicaux ont été « séquestrés » quelques heures à l'hôtel de ville de Genk, suite à leur refus de tenir compte des revendications de la sous-traitance et d'admettre le comité d'action aux négociations.

Du côté de la direction, c'est la manière forte. Lundi 13 janvier, le blocage devant l'usine Ford a été dégagé par la police. Puis Ford a obtenu un jugement en référé condamnant à une astreinte de 1 000 euros par jour toute personne entravant les entrées de l'usine et des sous-traitants. Lundi 21 janvier, les huissiers ont donc pu pénétrer librement, qui plus est escortés par 200 grévistes.

Dans la matinée même, les chefs commençaient à appeler des travailleurs pour leur demander de venir travailler le lendemain. Les grévistes espèrent être assez nombreux pour que la production reste bloquée, mais discutent aussi de la possibilité de rentrer pour préparer la suite. En tout cas, ils ont gagné la fierté de refuser cette reprise conclue aux conditions de la direction.

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