Ayrault aux chantiers navals de Saint-Nazaire : Des discours pour les travailleurs, des garanties financières pour les patrons23/01/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/01/une2321.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Ayrault aux chantiers navals de Saint-Nazaire : Des discours pour les travailleurs, des garanties financières pour les patrons

Le 21 janvier, suite à la prise d'une commande de paquebot géant de la série Oasis par le chantier naval de Saint-Nazaire, le Premier ministre s'y est organisé une visite et en a profité pour faire l'éloge de la politique du gouvernement socialiste. L'État français possède un tiers des actions du chantier, le reste étant entre les mains du groupe coréen STX.

La satisfaction d'Ayrault paraît bien décalée car, quelques semaines après l'annonce de cette commande, les attaques contre les travailleurs continuent à tous les niveaux. Les patrons des entreprises sous-traitantes annoncent toujours des suppressions d'emplois pour les prochains mois.

La semaine précédente, des travailleurs de l'entreprise SMH ont débrayé à plusieurs reprises pour s'opposer à des licenciements. Ils étaient accompagnés par d'autres salariés directement concernés par cette hémorragie des emplois qui dure depuis plusieurs mois. Elle va s'amplifier avec la livraison, en mars et en avril, des deux derniers navires : le paquebot géant n'est pas susceptible de leur succéder dans les cales avant plus d'un an.

La direction de STX n'est pas en reste elle non plus. Elle a adressé ses voeux de bonne année aux salariés par courrier, avec pour mot d'ordre l'annonce de l'ouverture de prochaines négociations pour « rechercher les voies d'une baisse du coût du travail » ! Avec de tels voeux, les travailleurs sont prévenus : ils devront se défendre, car c'est à elle-même que la direction souhaite une bonne année et de bons profits.

D'ores et déjà, une majorité d'ouvriers STX se retrouvent au chômage partiel, à la maison, sans aucune date de retour au travail. Ce chômage va durer plusieurs mois encore, avec les pertes de salaire qui l'accompagnent, le temps de dessiner les plans du navire et lancer sa production, la découpe des premières tôles de l'Oasis n'étant prévue que pour septembre, voire octobre. Pendant ce temps, la fatigue s'accumule pour ceux qui restent à travailler sur le site car, productivité oblige, le rythme du travail ne faiblit pas et certains travailleurs doivent faire les 3x8.

La situation se dégrade donc concrètement, pour les travailleurs de STX comme pour ceux de la sous-traitance, en fixe ou en intérim, dont beaucoup sont hors du chantier depuis des mois et touchent des allocations chômage en baisse.

Lors de sa visite du site, le Premier ministre s'est bien gardé d'évoquer ces problèmes et a soigneusement évité le débrayage organisé par la CGT pour lui rappeler ces réalités. Il a été bien plus bavard et enthousiaste auprès de la presse sur les accords de compétitivité signés récemment et sur la détermination du gouvernement à aider les patrons, y compris financièrement.

Pour le contrat Oasis, STX n'a eu qu'à se féliciter de cette détermination. En effet le groupe coréen détient les deux chantiers navals, en France et en Finlande, et il les a mis en concurrence pour la construction de ce navire. Il était donc sûr d'être le grand gagnant. Le chantier finlandais, ayant déjà fabriqué les deux premiers Oasis, était à priori le mieux placé sur le plan strictement industriel pour réaliser le troisième de la série, dont le travail d'étude aurait été considérablement allégé. Ce chantier vient pourtant de perdre le contrat de ce troisième navire et STX menace même de le fermer à titre de représailles : il reproche à l'État finlandais de ne pas suffisamment l'aider sur le plan financier. Menaces réelles ou pas, cela illustre en tout cas la voracité de ces grands groupes qui n'hésitent pas à user du chantage à l'emploi vis-à-vis de dizaines de milliers de travailleurs, pour récupérer un maximum d'argent public.

Ayrault se vante de l'énergie déployée par le gouvernement français pour faire aboutir le montage financier de cette commande. Son principal mérite aura été de mieux garantir les profits de STX que ne l'a fait le gouvernement finlandais. Les travailleurs, quant à eux, que ce soit en France ou en Finlande, ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour défendre leurs intérêts.

Partager